Les éclairs de Force qui s’échappèrent des doigts osseux et presque cadavériques de l’Empereur vinrent fouetter le corps déjà considérablement affaibli du jeune Skywalker, lui infligeant des douleurs semblables à celles provoquées par des coups de fouet-laser. Le rebelle tâchait bien de ramper sur le plancher métallique pour tenter d’échapper à cette insupportable séance de torture, mais en vain. L’indescriptible blessure de cette Force Obscure le maintenait cloué sur place, tel un animal qu’on domine. Incapable de bouger, le jeune homme ne pouvait que se tordre de douleur sous chaque impact et hurler, comme s’il était possédé par la magie des Sorcières de Dathomir, en train de subir un exorcisme. La souffrance était telle qu’en cet instant précis, il ne désirait qu’une chose : mourir en enjambant la rambarde et se laisser sciemment tomber dans le puits qui menait au réacteur afin d’abréger au plus vite son horrible supplice. Mais cela aussi lui fut refusé, et tout ce qu’il parvenait à faire, c’était se taper violemment le crâne contre le sol pour détourner son attention de ce qu’il ressentait. Ni Ben, ni Yoda, ni aucun entraînement Jedi n’auraient pu le préparer à faire face à une pareille épreuve.
La lumière bleutée de cette foudre lancée par l’Empereur éclairait la salle du trône à la manière d’une nuit d’orage, ou plutôt comme une ampoule défaillante, qui s’allumerait et s’éteindrait à intervalle régulier, toutes les secondes. Cette luminosité changeante rendait la visière du masque de Vador quasiment inutilisable, à cause des interférences qui gênait sa vision cybernétique. Pratiquement aveugle, le Sith ne pouvait donc se fier qu’aux bruits qui lui parvenaient pour visualiser l’horreur de la scène. Malgré le son aigu et assourdissant des éclairs, malgré les ricanements incessants de son maître Empereur, les oreilles de Vador ne focalisèrent leur attention que sur les cris affreux de son fils, qui hurlait sa douleur. Entendre sa progéniture gémir sous le joug de la souffrance était un son de plus en plus insupportable, car celui-ci rappelait trop bien au seigneur noir ses propres cris de souffrance sur Mustafar, il y a bien des années de cela, et il ne pouvait supporter l’idée que l’enfant de Padmé subisse un pareil châtiment.
Aux côtés d’un Palpatine bien trop occupé à torturer jusqu’à la mort le dernier représentant des chevaliers Jedi, Vador tourna alors sa tête casquée vers les pieds de l’escalier qui montait jusqu’au siège de l’Empereur. Là, par terre, se tenait le sabre personnel de Luke, que celui-ci avait jeté un peu plus tôt. En l’espace d’un instant, sans réfléchir davantage à son action, Vador utilisa le pouvoir télékinétique de la Force pour appeler à lui l’arme laser de son fils. La lame verte de l’épée de lumière s’alluma alors en plein vol, avant de venir atterrir dans la seule main encore valide de Vador, tranchant ainsi au passage Dark Sidious en deux, au niveau de la taille, de manière parfaitement horizontale. Ce dernier n’eut qu’un hoquet d’incompréhension lorsqu’il sentit le laser du sabre lui sectionner la colonne vertébrale et lui arracher les entrailles. Les doigts crochus de ses vieilles mains squelettiques ne cessèrent cependant de lancer des éclairs que quand le haut de son corps se détacha de ses jambes qui elles, se dérobèrent face à l’inéluctable mort.
La douleur lui enserrant le crâne comme dans un étau, Luke parvint toutefois à se relever, non sans peine, et à avancer tout en boitant avec lenteur, à cause de ses récentes plaies vers son père, qui observait quant à lui, stoïque, le corps ratatiné et sans vie du maître de la Galaxie qui gisait, raide mort sur le sol. Le visage flétri par la vieillesse de ce dernier n’avait désormais plus rien de terrifiant. Ses yeux révulsés avaient perdu leur lueur machiavélique, et son cadavre était figé dans une position plus que pathétique. Enroulé dans une tunique sombre bien trop grande pour son maigre corps, Palpatine semblait avoir revêtu un drap mortuaire avant l’heure.
Luke ne savait trop quoi faire, ni trop quoi penser devant cette situation pour le moins inespérée. Car après toutes ses années d’un conflit armé dévastateur, le dictateur, source originelle de ladite guerre, ne faisait désormais plus partie du monde des vivants. C’était un rêve qui devenait enfin réalité pour l’ancien fermier de Tatooine, qui était en quête de justice depuis l’assassinat de son oncle et sa tante.
Cependant, la perspective d’avoir finalement ramené la paix dans la Galaxie s’estompa très vite lorsque Luke entendit les échos de la bataille spatiale qui faisait rage non loin de là. Portant alors son regard sur l’espace en guerre, Luke réalisa rapidement l’ampleur de la catastrophe. Les vaisseaux de la flotte rebelle se faisaient très rapidement tailler en pièce par les pilotes expérimentés de la marine impériale, et dans très peu de temps, il n’y aurait plus aucune force de résistance pour contrer l’Empire. Le désastre spatial laissait même présager le pire pour le petit groupe de rebelles qui était à la surface de la lune forestière d’Endor, dont faisaient malheureusement partie sa sœur Leia et ses amis Han, Chewie, 6PO et R2. Pour le commandant de vingt trois ans, la seule carte qu’il pouvait peut-être encore jouer afin de renverser la situation en faveur de la Rébellion serait l’annonce pure et simple de la mort du chef suprême de la dictature galactique. En effet, cette nouvelle devrait suffisamment démoraliser les troupes du régime autoritaire et par la même occasion, booster la combativité des soldats rebelles, en tout cas jusqu’à la déroute des impériaux et de la reddition complète de leur armée.
Mais soudainement, alors qu’il s’apprêtait à dévoiler ce plan à son père, la voix d’homme-machine de Vador, à la fois grave et robotique, résonna dans la totalité de la salle du trône et détourna son attention de ses amis, qui étaient au bord du gouffre.
« L’Empereur l’avait prédit… Ton destin était de l’anéantir ».
Se tournant de nouveau vers son père ressuscité, Luke dit alors :
« Il faut que vous veniez avec moi ! Maintenant, vous seul êtes en mesure de mettre un terme à ce conflit destructeur. »
Le sabre vert toujours allumé dans sa main gauche, Vador demeurait aussi fixe que la représentation en œuvre d’art d’un guerrier mandalorien des temps antiques brandissant une vibrolame à côté de la carcasse d’une bête aussi sauvage qu’un dragon Krayt. Il restait là, figé, au-dessus du corps inanimé de son ancien mentor, comme si sa disparition sonnait trop tôt le glas de sa longue vie de servitude et qu’il ne savait pas vraiment comment gérer cette toute récente liberté qui s’offrait à lui.
S’inquiétant de l’immobilisme de son père, Luke réitéra donc sa demande :
« Père ? Venez !
– Il est trop tard mon fils… Je ne peux échapper au côté obscur, » déclara Vador dans un murmure.
Luke eut peur de comprendre les mots prononcés par son père, et il ne sut quoi répondre à cela. Hormis le bourdonnement du sabre-laser et la respiration saccadée de Vador, un silence pesant tomba sur eux, qui dura environ une dizaine de secondes avant que Luke ose enfin prendre la parole à nouveau :
« Jamais je ne pourrai vous abandonner ici.
– Alors prépare toi à rejoindre Obi-Wan ! » Siffla Vador d’une voix étonnamment menaçante, surprenant et effrayant le jeune homme.
Quand Vador se tourna vers lui avec le sabre-laser vert toujours en main, Luke ne décela plus aucune once de bonté dans l’âme de son père. Depuis le décès de l’Empereur Palpatine, son côté obscur semblait avoir définitivement pris le dessus sur lui, et il venait sans doute de tuer à tout jamais le peu d’humanité qui lui restait, l’homme Anakin Skywalker. Dorénavant, Luke savait qu’il n’y avait plus aucune chance de sauver son père, qui était finalement bien mort sous l’armure de ce seigneur noir, comme l’avait supposé Ben.
Meurtri malgré lui par la soudaine disparition de son paternel, Luke ne ressentit que trop tard la présence bien trop proche de Lando Calrissian à bord du Faucon Millénium, qui fonçait droit vers le générateur principal de la seconde Étoile Noire.
« Vous avez raison père. Il est trop tard… »
La victoire de Vador sur son maître n’eut donc pas le temps d’être savourée car la seconde Étoile de la Mort explosa brusquement. Dans sa destruction, la station orbitale emporta avec elle dans l’au-delà un père et son fils, qui étaient à eux deux les derniers utilisateurs de l’entité mystique qui gouvernait la grande Galaxie en sous main. Par la même occasion, ce duo père et fils à jamais disparus eut ainsi le mérite de mettre enfin le point final à la rivalité millénaire qui existait entre le côté obscur et le côté lumineux de la Force.