« Prenez-moi dans vos bras… » finit-elle par dire, avant de se jeter littéralement sur Han, sans même prendre la peine d’attendre une réponse verbale de sa part. S’agrippant rapidement et solidement à sa taille et collant sa joue tout contre son torse, la princesse était bien décidée à profiter de ce court répit. Quant au général Solo, il n’eut d’autre choix que d’enrouler ses bras musclés autour du corps frêle et fragile de sa princesse, tout en appréciant néanmoins ce contact physique. Enfermée dans les bras de son « gentil vaurien », Leia, quant à elle, trouva un peu de réconfort en écoutant sa respiration. Bercée par les inspirations et les expirations de son bien-aimé, Leia cependant, sentait bien que le silence dont faisait preuve son Han n’existait que pour dissimuler une profonde tristesse. Au fin fond du cœur de son amant se nichait effectivement une grande douleur que Leia pouvait ressentir très perceptiblement, sans même que celui-ci n’ait besoin de l’exprimer avec des mots. Ce qui pesait si lourdement dans le cœur de Han, c’était la longue absence dont il venait de revenir,. Avoir été coupé du reste de la Galaxie, emprisonné dans un bloc de carbonite pendant un peu plus d’une année complète, il devait certainement trouver cette nouvelle liberté assez difficile à supporter.
Mais en réalité, ce que Han avait surtout du mal à déterminer, c’était la force des sentiments qui les unissait encore, Leia et lui. Il n’était plus très sûr des sentiments de sa princesse à son égard. En ce qui le concernait, ses sentiments n’avaient pas changé, et il savait que dans peu de temps, il devrait répondre au « je t’aime » de sa princesse, mais il craignait maintenant la réponse de sa belle. Car même si elle avait trouvé le temps de lui avouer son amour avant qu’il ne soit plongé dans le coma pendant une année entière, il avait maintenant un doute persistant la concernant, et qui ne le quittait plus. Après tout, un an les avait éloignés, et il avait désormais peur que Luke et Leia soient devenus plus que des amis. En effet, il y avait tout à parier que les deux intéressés s’étaient rapprochés et avaient sans le moindre doute tissé des liens beaucoup plus forts durant son absence sinon, comment expliquer la tristesse de Leia face à la désertion de Luke, à la veille de la bataille d’Endor ?
Ressentant la souffrance intérieure du seul homme qu’elle aimait réellement, Leia, qui comprenait très facilement ce qu’était en train de traverser Han, voulut alors tout lui raconter, afin de lui dire que l’attirance qu’elle éprouvait pour Luke était maintenant tout à fait amicale et explicable. Même elle, le comprenait à présent. Peut-être que connaître la révélation que Luke lui avait faite pourrait apaiser le chagrin du corellien ? De savoir que le tiraillement amoureux de Leia entre lui et le jeune fermier de Tatooine était désormais révolu pourrait sans doute contribuer à apaiser son mal et cela, en apprenant que cet amour – sincère – que Leia avait toujours éprouvé envers Luke n’était pas du tout ce qu’il croyait être. D’ami à amant, c’était dorénavant un amour fraternel que Leia concevait pour le jeune déserteur et rien de plus.
Pourtant, si déterminée qu’elle soit à apaiser le cœur de son contrebandier, Leia se retrouva bizarrement dans l’incapacité de lui dire la vérité en cet instant. Elle ignorait quels mots employer, et ne savait même pas par où commencer. La vérité, pourtant libératrice, était quand même assez dure à avouer. Et alors qu’elle craignait de plus en plus que Han ne lui demande de s’expliquer sur sa relation avec Luke, elle vit apparaître soudainement mais avec un grand soulagement une main métallique dorée, qui tapota l’épaule du général.
– Mille excuses général Solo, mais le chef de la tribu réclame votre présence ».
Cette arrivée impromptue tomba à pic, et ce fut bien la première fois que Leia fut heureuse de voir 6PO. La présence du cyborg convainquit même la princesse de reporter sa révélation à une prochaine fois, dès qu’elle aurait la possibilité – mais aussi le courage – pour le faire. Et, comme si Han avait remarqué le soulagement de Leia lors de l’arrivée de 6PO, il ne chercha même pas à discuter avec le droïde pour demander à reporter l’entrevue. Pour cette nuit, il serait peut-être préférable qu’il se tienne éloigné de Leia, cela serait sans doute plus bénéfique pour leur relation, même s’il avait encore faim de son corps. Han déposa alors un baiser sur le front de sa princesse des étoiles, brûlant d’un désir contenu.
« Tâchez de vous reposer un peu Leia, » murmura-t-il avant de s’éloigner promptement, sans même attendre une réponse.
La princesse regarda alors Han et 6PO rejoindre la cabane des Ewoks, mais elle eut bien du mal à suivre le dernier conseil de son amant. Comment pourrait-elle arriver à s’endormir, ou même simplement s’assoupir après la terrible révélation que venait de lui faire Luke avant de déserter ? Et puis, l’enjeu du lendemain était bien trop important pour perdre du temps à dormir.
Si les informations des espions Bothans s’avéraient fiables alors, la présence du maléfique Empereur à bord de la seconde Étoile de la Mort allait être un tournant crucial dans la guerre civile. Si c’était effectivement le cas, il y avait là une chance inestimable de mettre enfin un terme au conflit galactique. Mais même si demain, l’Alliance remportait la victoire, la perte du tyran signifierait-elle réellement la fin de son régime dictatorial ? Après tout, cela faisait un peu plus d’une vingtaine d’années que l’Empire était en place et quand Leia voyait le peuple Ewok, elle se disait que si ces petites créatures arrivaient à vivre paisiblement sous l’étendard impérial, pourquoi ce ne serait pas également le cas pour les galaxiens ? Hormis quelques heurts de temps à autre, les autochtones d’Endor semblaient cohabiter en paix avec les troupes impériales. Le conflit galactique avait déjà fait tant de morts dans les deux camps… Dans ce cas, était-il vraiment judicieux que l’opération du lendemain ait quand même lieu ?
De plus en plus perturbée par des pensées de reddition, Leia porta son attention sur le ciel étoilé, dans l’espoir d’obtenir une aide, ou un soutien de la part de cette Force si mystérieuse. Car si elle disposait réellement du même pouvoir que Luke, cette entité mystique devrait logiquement se manifester à elle. Elle tâcha alors de concentrer son esprit sur la voûte céleste, en essayant de faire le vide en elle.
Soudainement, ses yeux se mirent alors à scintiller, du même éclat que les étoiles qu’elle était en train de contempler, tandis qu’elle focalisait son attention sur sa respiration, qu’elle s’efforçait de conserver apaisée et contrôlée. Et sans tarder, la Force se mit elle aussi, à entrer en contact avec la fille de l’Élu, lui faisant ressentir entre autres tout un tas de choses nouvelles et de sensations très étranges. Elle lui fit découvrir plus intensément l’odeur de la sève qui coulait dans les innombrables troncs d’arbres de l’immense forêt planétaire d’Endor, et d’un seul coup, tous les parfums boisés devinrent beaucoup plus perceptibles à l’odorat. Les bruits semblaient également s’être largement amplifiés et elle entendait maintenant très distinctement vivre les animaux des bois à des kilomètres à la ronde. Elle crut même déceler les pensées de l’ensemble des membres des troupes rebelles qui se trouvait à l’intérieur des cabanes des Ewoks.
Puis, un bruit sourd et oppressant émana soudainement de l’espace, et un froid intense vint envelopper le corps entier de Leia. Elle était tellement gelée que c’était comme si toute la fraîcheur de la nuit avait brusquement trouvé refuge en elle. Elle se sentait comprimée et frigorifiée, comme à l’intérieur d’une capsule de sauvetage, en train de dériver dans le vide spatial. Elle ne comprit la raison de son mal que quand elle trouva de ses yeux l’horrible chose qui l’emprisonnait dans une prison glacée. Son regard attiré malgré lui vers l’endroit de son malaise, elle tomba brutalement sur l’Étoile de la Mort.
Cette imposante station orbitale était aussi noire que la nuit, aussi obscure que l’âme de l’Empereur. Menaçante et effrayante comme l’œil de ce dernier, la station spatiale de combat était à demie camouflée par les immenses arbres de la forêt. Leia regardait avec une certaine crainte la machine en forme de globe stagner dans le ciel nocturne. L’image à moitié squelettique de cette arme de guerre était donc la raison de son mal-être. En la regardant fixement, Leia ne pouvait s’empêcher de la comparer à sa « sœur aînée », celle qui était responsable de la destruction de son monde natal, quatre ans auparavant.
D’un simple tir de rayon laser, cette dernière avait annihilé en l’espace d’une seule petite seconde toute sa famille, ainsi que tout son passé. Des souvenirs de sa petite enfance, sereine dans les bras de sa mère, jusqu’à son adolescence comme membre du Sénat Impérial pour soutenir son père dans son travail harassant, tout son passé, en l’espace d’une seconde, s’était effacé. Elle se souviendrait à jamais de cet instant comme le pire jour de toute son existence. Elle se souvenait encore très clairement de ce maudit jour où, du coin de l’œil, à travers sa vision brouillée par les larmes, elle avait entr’aperçu un léger rictus qui se dessinait sur le visage squelettique du Grand Moff Tarkin, quand Alderaan se transforma en un amas de poussière d’étoiles.
Tout en étant perdue dans ses souvenirs, une sensation pour le moins très étrange fit soudainement replonger Leia dans l’instant présent. Les mains fermement agrippées à la rambarde de bois, elle n’aurait su l’expliquer, mais elle eut la conviction profonde que Luke rencontrait, à cet instant précis, le sombre Vador. Elle eut en effet cet étrange pressentiment que Luke était à côté de Vador, et son cœur se mit subitement à battre plus vite que de coutume. De nouveau surprise par un frisson, rapidement précédé d’un léger tremblement qui parcourut l’ensemble de son corps encore froid, elle en vint à se remémorer qu’elle avait déjà fait l’expérience de cette étrange sensation lorsqu’elle avait assisté, impuissante, à la destruction de son monde natal par l’entremise de son propre père.
Derrière elle, elle se souvenait encore très clairement que s’était tenu Dark Vador, son père… Rien que le fait de penser à ce lien de parenté lui donnait la nausée. Que Luke Skywalker puisse être son frère caché, elle pouvait aisément l’accepter. Quoique cette nouvelle était tout de même assez perturbante. Mais que Dark Vador, le bras droit de l’Empereur, soit son propre père, c’était une toute autre histoire… Ainsi, le regretté Bail Organa, défunt gouverneur de la pacifique Alderaan, n’avait aucun lien réel avec elle… Cela semblait enfin expliquer pas mal de chose à Leia, en particulier son manque de ressemblance physique avec ses parents présumés.
Et, à force de se poser de plus en plus de questions sur ses parents biologiques et adoptifs, Leia en vint irrémédiablement à se souvenir du jour de la mort de sa famille d’Alderaan. L’arrière de son crâne plaqué contre le torse robuste du seigneur noir, elle avait senti sur le sommet de sa tête l’expiration glaciale de Vador, qui lui avait fait dresser l’ensemble des poils de sa nuque quand le tir laser de l’Étoile de la Mort avait réduit Alderaan en cendres. Cette respiration mécanique de cet homme-machine lui donnait encore à nouveau la chair à Bantha. De nouveau, elle ressentait les boutons de l’armure de Vador lui meurtrir la chair, comme si elle était renvoyée à cet infernal moment. De nouveau, elle ressentait la douleur de cette ecchymose sur son épaule gauche, provoquée par cette main de fer gantée du second de l’Empire qui l’avait empoignée si fortement. Elle se souvint alors du long moment qu’elle avait passé dans sa cellule, à bord de l’engin destructeur, où elle s’était volontairement fait mal à l’épaule gauche, pour pouvoir toujours garder une trace de sa souffrance et de celle de son défunt peuple. Elle se remémorait aussi les innombrables heures qu’elle avait passées dans sa cellule, à bord de la première Étoile de la Mort, où elle s’était mise à pleurer toutes les larmes de son corps en repensant à sa famille désormais décimée. Mais entre les murs de sa prison, elle s’était aussi fait le serment solennel de mettre à terre le régime tyrannique de l’Empereur Palpatine. En repensant à cette promesse, Leia reprit foi dans le bien fondé de la guerre des étoiles et, à présent plus déterminée que jamais, elle était prête à ne plus céder et à faire face à n’importe quelles épreuves, même celle d’accepter le fait que Dark Vador soit son véritable père. Pour sauver l’avenir démocratique et laver le sang des innombrables morts que l’Empereur Palpatine avait sur les mains, il fallait que la mission de demain soit un succès, quel qu’en soit le prix à payer.
L’heure d’Endor approchait, et dans très longtemps, la Galaxie se souviendrait du jour que Leia était à peine en train de vivre. La princesse rebelle se mit alors à songer un instant au jour où elle ne se battrait plus, du jour où la liberté leur serait définitivement acquise. Elle rêvait même de raconter son histoire à ses enfants, ceux qu’elle espérait avoir avec Han Solo. Oui, un jour viendrait où elle conterait effectivement cette histoire à ses enfants. Un jour viendrait même où tous conteraient cette même histoire, aux petits comme aux grands, en commençant, comme toutes les histoire commencent, par cette forte mais simple phrase : « Il y a bien longtemps… »