Bien qu’en deuxième année de sorcellerie seulement, Hermione réalisa bien vite que la grande salle de Poudlard qu’elle avait devant elle était assez différente de ce qu’elle avait l’habitude de voir. En effet, dans la pièce conviviale, il ne restait désormais plus que la table à manger des Serpentards. Et là où devaient normalement se trouver les trois autres tables des maisons rivales, il ne restait que de longues traînées de cendres. Hermione mit alors sa baguette à casser que l’étonnante présence de ce serpent géant qui semblait dormir sur la seule table restante avait forcément quelque chose à voir avec tous ces changements.
Le corps de cet immense serpent était aussi épais que le tronc d’un saule cogneur, sa taille égalait celle d’un dragon adulte et sa peau écailleuse était aussi blafarde que celle du Seigneur des Ténèbres. Cet animal apparu inopinément semblait avoir fait de la jeune sorcière sa prisonnière à l’intérieur même de l’enceinte du château le plus sûr du monde magique. Vêtue de sa simple robe d’écolière, elle était à présent solidement maintenue debout sur le tabouret du Choixpeau magique, qui lui-même se tenait en lévitation au-dessus d’un très gros chaudron, rempli à ras-bord de ce qui semblait être de la lave en fusion.
Mais, comme si sa mémoire avait soudainement été altérée par un sortilège d’amnésie, la jeune Hermione ne se souvenait absolument de rien. La miss « Je-Sais-Tout » de l’école ignorait même comment elle avait bien pu faire pour se retrouver dans une situation aussi périlleuse. Mais même la certitude, pourtant palpable, de servir de prochain petit-déjeuner à cette bête sans pattes n’était plus le souci principal d’Hermione. Ce qui l’effrayait davantage en cet instant, c’était plutôt et surtout de voir surgir le vieux Rusard d’un moment à l’autre. Si le concierge la surprenait pendant sa ronde d’inspection, il n’hésiterait certainement pas à lui donner une heure de retenue pour avoir enfreint le couvre-feu et cela, malgré la dangerosité de l’instant.
Aussi, quand la grande porte s’ouvrit soudainement, Hermione se mit tout de suite à prier Merlin de toutes ses forces afin que celui-ci éloigne ledit concierge. Mais à peine la porte fut-elle ouverte qu’un afflux bien trop important de lumière vint empêcher Hermione de savoir si sa demande avait été exaucée.
Le supplice de l’attente fut d’ailleurs si insoutenable que, quand enfin ses jeunes yeux se furent habitués à l’aveuglante luminosité blafarde, et qu’elle découvrit qui était l’individu qui avait poussé la porte, elle cria spontanément de joie. Mais cette exclamation du cœur, comparable à celle qu’elle aurait sûrement poussé en apprenant la victoire des Gryffondors lors de la coupe des quatre maisons, réveilla malencontreusement le maléfique serpent. Ce dernier eut par ailleurs la même difficulté à discerner le nouvel arrivant. Quand enfin il constata qu’il s’agissait du très célèbre et renommé Gilderoy Lockhart, il poussa un sifflement des plus menaçants à son encontre.
Néanmoins, Lockhart était réputé pour être un homme sans peur et, marchant droit vers le reptile, il le défia courageusement en ces termes : « Ô toi ! Vile créature des Forces du Mal ! Relâche immédiatement cette jeune sorcière, et moi, Gilderoy Lockhart, te laisserai peut-être la vie sauve ! »
Face à ce chantage, le serpent furieux se mit alors à décrire des cercles tout autour d’Hermione, sans doute afin de protéger au mieux son butin. Puis, trouvant finalement assez de puissance pour riposter, l’horrible basilic hurla à son rival : « Sale sang-de-bourbe de sorcier ! Toi et ta protégée servirez d’engrais à mes œufs ! »
Bizarrement, ce qui surprit le plus Hermione ne fut pas le fait que le serpent puisse parler, mais bien que sa voix ressemblât étonnamment à celle du professeur Rogue.
Devant le refus avéré d’obtempérer du gavial, Lockhart s’arrêta à bonne distance et, sortant sa baguette magique du petit fourreau qui pendait à sa ceinture, il se mit en position d’escrimeur. Prêt à utiliser sa baguette comme si elle eut été une épée, il attendit cependant que le serpent lance les hostilités. Celui-ci ne perdit d’ailleurs pas une seule seconde pour attaquer. Il ouvrit une fois de plus sa gueule en grand mais cette fois-ci, ce ne furent pas des insultes mais un tourbillon de feu qu’il cracha en direction de Lockhart.
Hermione sentait inconsciemment qu’elle n’avait strictement rien à craindre, et que son bien-aimé ne courait aucun réel danger. D’ailleurs, la seule chose qui lui vint à l’esprit fut plutôt d’analyser les flammes vertes qui lui rappelèrent curieusement celles qui sortaient de la poudre de cheminette. Ces dernières disparurent d’ailleurs presque immédiatement au contact du bout pointu de la baguette.
Puis quand ce fut au tour de Lockhart de répliquer, sa baguette laissa échapper un éclair rouge enrobé d’or qui vint heurter durement le museau du reptile. La seule réponse du monstre fut alors un long et fort gémissement, semblable au bruit d’un train qui, lancé à pleine vitesse, décide soudainement de freiner sur les rails. Hermione ignorait quel genre de sortilège utilisa le professeur, mais il avait été pour le moins très efficace, car il ne fallut pas attendre bien longtemps avant que l’animal ne se torde de douleur sur le sol pierreux et ne disparaisse enfin dans un énorme nuage de cendres noires. Hermione contempla un court instant les restes du monstre vaincu avant de tomber dans les bras de Lockhart, tandis que le tabouret, quant à lui, alla se jeter dans le chaudron et se dissoudre dans sa lave bouillonnante.
Toute ensorcelée par l’héroïsme de son professeur favori, Hermione regarda Gilderoy porter ses doigts à sa bouche et siffler en direction de la grande porte, encore nimbée de lumière. Un Nimbus 2001 rappliqua alors aussi prestement qu’un fidèle destrier, et peu après, sans trop savoir comment, Hermione se retrouva déjà à l’extérieur du château, volant dans les airs sur ce même balai. Lockhart était assis au plus près des poils drus de l’engin magique, permettant ainsi à Hermione d’être confortablement blottie tout contre son torse. Sa joue aplatie sur son thorax, elle se laissa doucement bercer par les battements ininterrompus du cœur de son sauveur. Elle aurait aimé pouvoir le remercier comme il le fallait, en l’embrassant, comme le faisait les grandes personnes. Mais à l’instant même où cette pensée traversa son cerveau, l’impensable se produisit : « réveille-toi Hermione ! Réveille-toi ! On va être en retard ! »
Inconsciemment, Hermione obéit aux injonctions de Susan Bones et abandonna avec regret son rêve merveilleux. À son réveil, Hermione réalisa qu’elle enlaçait amoureusement son oreiller, et que les battements de cœur qu’elle avait imaginé entendre n’étaient autre que les ronflements de Pattenrond.
Toujours secouée par son amie, Hermione se leva donc et rassembla rapidement ses affaires afin de ne pas déroger à son habitude d’être la première à investir les salles de classe, laissant sur son lit le souvenir de son rêve fantastique, mais également son tout nouveau livre de chevet : « Gilderoy Lockhart et les serpents-géants de Roumanie« .