[ Fanfic-OneShot ] BALLET SHOES : Gum Au Pays Des Merveilles


Ballet Shoes était le nom d’une pièce de théâtre londonienne dans laquelle Pauline jouait le rôle principal. Dans cette tragédie, l’aînée des sœurs Fossil prêtait effectivement ses traits et interprétait une danseuse étoile qui avait une paire de ballerines magiques. Ce moment précis de l’histoire était vraiment le préféré de Gum, puisque l’héroïne se rendait subitement compte qu’elle n’avait nullement besoin de chaussons de danse et elle se mettait alors à danser de joie, pieds nus sur la scène.

Armé de petites jumelles d’opéra, Gum, installé dans les gradins, profitait du spectacle que donnait Pauline, avec ses beaux pieds délicats et désormais nus, qui étaient à couper le souffle, surtout pour un unijambiste comme lui. Les pieds de Pauline étaient en effet si adorables et si parfaits pour la danse qu’on aurait dit qu’ils avaient été sculptés des mains même du grand Apollon, le dieu des beaux-arts en personne. De contours parfaits, les orteils étaient bien dessinés et la voûte plantaire, élégante et harmonieuse, mettaient l’eau à la bouche de l’oncle. À coup sûr, ces pieds fins et délicats seraient les meilleurs mets s’il avait l’occasion d’y goûter un jour. Gum pensa qu’il n’aurait aucun mal à les embrasser, comme l’avait jadis fait le Christ avec ses disciples.

Néanmoins, il se doutait bien que c’était son accident à la jambe qui était la cause de cette perversion de l’esprit. Cette fixette sur les pieds de sa fille adoptive ne pouvait venir que de sa blessure, c’était évident ! Cependant, il se fichait royalement de savoir d’où venait son mal ; le plus important pour lui était de pouvoir continuer à assouvir ce penchant voyeuriste, sans être inquiété par les lois des hommes ou du Divin.

En ce moment donc, il s’adonnait à ce fantasme malgré la menace d’un jugement, et l’expression « toucher avec les yeux » était ce qui le caractérisait le mieux. En effet, son regard ne pouvait se détourner des pieds divinement exquis de sa fille adoptive. Les observant sans se lasser, Gum se rendit compte que chacun de ses orteils semblaient être plus délicieux l’un que l’autre. Recouverts d’une peau fine et diaphane, ils étaient littéralement à croquer et chaque détail lui donnait des palpitations. De son gros orteil gourmand, dont on ne pouvait détacher le regard, à son petit orteil, qui avait l’aspect d’une friandise sucrée, rien que le fait d’imaginer le parfum qui s’échappait d’eux lui donnait des bouffées de chaleur et une sueur de tous les diables.

D’ailleurs, Gum était certain qu’aucune terre de par le monde n’exhalait le même arôme. Même le plus exotique des pays n’avait certainement pas le privilège de cette odeur, quasi paradisiaque. La sueur de ses orteils devait être comme le miel que l’on trouve au paradis islamique. Que n’aurait-il donné pour pouvoir avoir sous son nez un de ses pieds pendant une seule heure de sa vie. Sans hésitation, Gum aurait vendu, donné, voire jeté toute sa collection de fossiles pour avoir cette chance.

Mais, outre le fait que ces pieds étaient la plus belle partie de son corps, selon lui, Pauline restait était divine à voir pour n’importe qui. Sincèrement, il n’y avait pas de plus bel ange sur terre que cette jeune femme. Avec son et doux et merveilleux visage, digne d’un conte de fées, Pauline avait tout d’une princesse et sa beauté n’avait rien à envier aux reines des différents pays. Même les paillettes qui décoraient ses joues et son front pour les besoins de la pièce n’arriveraient pas à rivaliser avec ses grains de beauté naturels, qui la rendaient si désirable.

Aussi, même s’il avait une préférence pour ses pieds, le vieil homme profitait inlassablement de tout ce que le jeune corps de Pauline avait à proposer. Captivé par l’aura qu’elle irradiait sans le vouloir, Gum trouvait plus que difficile de détourner son regard et, à chaque fois que Pauline bougeait, ses yeux étaient immédiatement attirés par elle, ne pouvant s’empêcher d’admirer sa démarche élégante, qui l’envoûtait.

De ses grands yeux, Gum restait sans voix, muet par la majesté qui se dégageait de sa charmante petite Pauline, avec sa gestuelle dansante, digne d’un hymne à la déesse Beauté. Lui qui avait quitté Londres alors que Pauline n’était encore qu’un bébé dans son landau, il venait de la redécouvrir, plus belle que jamais.

Il était revenu il y a peu au sein de sa Londres natale en parfait incognito et, grâce au ciel, personne n’était encore au courant de sa réapparition en Angleterre. Le plus important était que Nana l’ignore – par bonheur – car Gum craignait tellement cette dame qu’il n’osait affronter son regard. De nouveau chez lui, le vieil homme épiait donc les sœurs Fossil, et plus particulièrement Pauline, vers qui son cœur, depuis trop longtemps solitaire, semblait pencher de plus en plus. En effet, Gum avait développé une attirance presque malsaine envers l’aînée de ses filles adoptives. À l’âge de dix-sept ans, Pauline s’était métamorphosée et était devenue une véritable jeune femme, en âge de recevoir une demande de fiançailles et, comme il n’y avait pas la moindre chance pour que Pauline se souvienne de lui, Gum espérait bien être ce fameux élu qui viendrait lui demander sa main, même si tout ce qui l’intéressait était de prendre son pied, sans mauvais jeu de mot.

Matthew Brown, de son vrai nom, ne souhaitait pas dévoiler à Pauline sa véritable identité. Il ne voulait plus revenir chez lui, en tout cas, pas en tant que père pour Pauline, puisqu’il avait le souhait de faire d’elle son épouse afin de pouvoir s’amuser avec ce qu’il voyait. Après tout, pouvait-il vraiment la considérer comme sa fille ? Il ne l’avait que très peu connue et pour lui, elle était une parfaite étrangère et inversement d’ailleurs. Mais par tous les saints, comment devrait-il se présenter à Pauline pour leur première rencontre ? Pour le moment, l’option du passage d’un producteur de film hollywoodlandien semblait être la meilleure tactique à envisager afin de gagner le cœur de cette jeune actrice en herbe, qui semblait être en quête de renommée.

En attendant d’avoir le courage de mettre sa manœuvre en application, Gum multipliait les allers-retours au théâtre, déboursant sans compter pour assister à toutes les représentations de Ballet Shoes. Cependant, au fur et à mesure que les jours défilaient, il se rendait bien compte que les spectateurs étaient de moins en moins nombreux. Cela l’inquiétait, à tel point qu’il craignait de se retrouver un soir devant portes closes, suite à l’annulation de cette pièce de théâtre qui n’attirait plus assez de monde. En attendant, il était prêt à dépenser une petite fortune pour offrir salle comble à Pauline, quitte à payer le premier clochard de la rue pour l’accompagner.

Ce soir, en plein spectacle, quand Gum arrivait – très rarement – à détourner son attention des pieds de sa ravissante Pauline, il voyait avec horreur, chez les petits gens, en bas des gradins, que la plupart des individus baillaient sans gêne et sans retenue. Heureusement qu’il n’avait pas voulu se mêler au peuple. Non pas parce qu’il les méprisât, car ils n’appartenaient pas à sa classe sociale, mais simplement parce que les gradins lui offraient une meilleure vue sur Pauline et ses pieds. De là où il se tenait, il se sentait privilégié d’être le seul à pouvoir apprécier le talent de son bébé. Pour son plus grand plaisir, il était effectivement le seul à observer Pauline avec amour et désir.

Même s’il ne prêtait pas la moindre attention à l’histoire que les artistes déclamaient, pas plus qu’il n’écoutait les répliques de Pauline, il entendait quand même la musicalité de sa voix, qui lui semblait encore plus captivante que l’appel chantant du muezzin. De toute façon, même si Pauline n’avait qu’un talent limité, elle restait parfaite aux yeux d’un Gum passionnément amoureux. Les délicieux sourires qu’elle adressait à la foule des spectateurs qui l’observait avec des regards énamourés étaient si contagieux que la plupart des adultes mâles lui rendait aisément la pareille, hors de la vue de leurs épouses respectives. En effet, quand Pauline était dans les parages, la jalousie pouvait très rapidement pointer le bout de son nez chez les femmes… Et dire que c’était sa beauté juvénile qui en était la raison !

Pas un seul instant ne passait sans qu’il ait les yeux fixés sur la jeune fille, la dévorant littéralement des yeux d’un regard lubrique, comme s’il admirait le plus beau chef-d’œuvre du Créateur. Lui qui avait pourtant fait escale dans presque tous les pays du globe, il devait bien avouer qu’il n’avait encore jamais contemplé de pareille merveille et pour lui, il n’existait pas de plus belle créature sur terre. Dieu sait pourtant qu’il avait visité de beaux pays et qu’il avait eu l’occasion de découvrir d’autres cultures, toutes plus différentes les unes que les autres, aucune supérieure à une autre, mais l’incarnation de la beauté qu’était Pauline effaçait tout. Rien ne pourrait jamais égaler cela.

Aventurier dans l’âme, il considérait Pauline comme un terrain vierge qu’aucun voyageur n’avait encore exploré et qui, de fait, s’offrait à ses yeux, en quête d’une nouvelle découverte. Son regard était focalisé sur tout ce qu’elle faisait, comme si elle était son phare dans la nuit ou son étoile du matin.

Drapée dans une magnifique robe blanche, comme une jeune mariée, elle était aussi belle que l’héroïne de La Belle et la bête. Le somptueux mélange entre la blancheur de sa peau et la blondeur de ses cheveux étourdissait Gum.

Pauline… ma petite merveille… tu as du talent, pensait-il en s’imaginant lui parler tandis qu’il l’épiait, avant de se prendre pour un poète romantique. Ah, merveilleuse Pauline… Merveilleux joyaux. En ce jour, te voici mille et une fois plus belle qu’une déesse grecque, au corps plus grandiose encore qu’Artémis, lascivement étendue dans son sanctuaire, en Éphèse. La chaleur que je ressens en te regardant est sans commune mesure. En cet instant, même la surface de la pyramide de Khéops, en Égypte, n’est pas aussi chaude que ma peau. Je suis littéralement en nage, et mon visage dégouline, au même titre que les antiques jardins suspendus de Babylone. Car tu es aussi éblouissante que la lumière du phare d’Alexandrie et, comparé à toi, la statue de Zeus, à Olympie, n’a pas autant de magnificence. Il en est de même pour le Colosse de Rhodes. Aucun de ces monuments passés n’égaleront jamais ta divine silhouette. Tu mériterais de vivre dans un palais qui te serait entièrement dédié, comme ce fut le cas pour le roi digne, qui dort dans le mausolée d’Halicarnasse. Et si Cléopâtre est restée mondialement célèbre dans l’histoire grâce – en partie – à son nez, toi, Pauline, tu n’en deviendras pas moins une reine à mes yeux, grâce à tes pieds parfaits.

Quelques applaudissements soudains, venant des gradins du dessous, l’arrêtèrent brusquement dans son élan. Les joues rougies par l’émotion de sa tirade amoureuse, Gum sursauta en constatant avec surprise que le rideau pourpre de la scène s’était déjà refermé et que sa chère et tendre s’était dérobée à son regard.

– Diable ! marmonna-t-il, car il aurait bien voulu avoir encore le loisir de contempler Pauline et ses pieds de déesse.

Mais tout n’était pas perdu et il y aurait une autre représentation le lendemain soir. Gum comptait bien faire une nouvelle fois partie du public pour nourrir son appétit envers sa petite et replonger dans un monde de merveilles.


 

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