Allongée sur mon lit, en train de penser à Bethany, je ne rêve que d’une seule chose : m’assoupir le plus rapidement possible pour pouvoir enfin la retrouver dans le monde d’Oneiroi, dieu des songes. Toutefois, je n’avais pas prévu que la porte de ma chambre s’ouvre en couinant lamentablement et qu’une tache aveuglante de lumière crue tombe sur mon visage, m’empêchant de fermer l’œil.
Il ne me faut pas longtemps non plus pour que je me rende compte que le trait lumineux vient d’une lampe torche. Même je suis éblouie, je vois bien que c’est une silhouette féminine qui tient la lampe et, mieux encore, j’arrive à reconnaître Bethany.
En effet, la femme de mes rêves est juste là, parfaitement immobile dans l’embrasure de la porte. Elle chuchote mon prénom une seule fois, comme pour vérifier si je suis réveillée ou non. Je n’ose d’abord lui répondre, de peur de réveiller Erin qui dort à côté, puis je chuchote, afin de ne pas laisser celle que j’aime sans réponse.
– Oui ? répondis-je doucement d’une petite voix toute timide.
Alors, Bethany s’avance vers moi sur la pointe de ses escarpins à talons, tout en laissant la porte derrière elle très légèrement entrouverte. Je me redresse sur mes coudes pour mieux la voir. Je la sens qui s’assied de manière tout à fait sensuelle sur le rebord de mon matelas, et le poids de son corps m’attire vers elle, comme un aimant.
Assise d’abord tout proche de moi, ma belle se penche davantage et se rapproche. Son doux visage m’apparaît à présent. Elle me regarde avec tendresse, malgré l’obscurité qui règne dans la chambre. Bethany a de beaux yeux bleu outremer, mais c’est sa peau blanche comme une viking sous le blond paille de sa chevelure qui me donne le plus d’appétit.
D’une voix particulièrement envoûtante, elle me dit soudain, à quelques centimètres de ma joue :
– Je voulais juste te souhaiter une bonne nuit…
L’haleine de son souffle sent l’encens d’une église, et mon cœur bat d’impatience face à l’éventualité d’un baiser laissé sur ma bouche. Sauf qu’à la toute dernière seconde, les lèvres rose guimauve de ma bien-aimée esquivent les miennes et escaladent mon visage sans le toucher, jusqu’à mon front dégagé pour y déposer un baiser humide.
Ses cheveux couleur blé, plus longs que les miens, caressent délicatement ma figure comme une plume et me chatouillent le bout du nez. Mais c’est surtout leur parfum, qui ressemble au lait chaud miellé, qui me réveille en quatrième vitesse pour me gratter les narines.
D’abord, je réalise à peine que je viens de respirer l’odeur de la crème de nuit de ma colocataire de chambre, et que je viens d’échapper de justesse à la tentation de la démone Sappho. Aussi, encore à moitié dans les vapes, je soupire contre moi et contre l’idée d’avoir gâché un si beau rêve, avant de me recaler contre mon oreiller dans le but de repartir aussitôt dans mes rêves pour voir Bethany là où je l’ai abandonnée sans le faire exprès.
Et quand bien même j’ai une légère appréhension à l’idée de me rendormir, je prends du recul et je décide que je m’en fiche, car quitte à dire adieu au programme de rééducation religieuse de God’s Promise, autant nourrir comme il se doit ma maladie lesbienne avec une Bethany Kimbles-Erickson fantasmée.