Depuis que je suis ici, je fais des efforts incessants pour chasser de ma tête le péché de Sodome et Gomorrhe, que le diable semble avoir insufflé en moi. Cependant, j’ai beau m’investir à fond dans cette lutte intérieure, l’omniprésence de Bethany Kimbles-Erickson entre les murs de cet étrange endroit où l’on prétend « corriger » ce qui est censé être « inhumain », m’empêche de faire le deuil de mes penchants lesbiens comme il se doit. En effet, à chaque fois que j’ose poser un simple regard sur sa silhouette élancée, mon cœur s’emballe comme devant un film romantique et il m’est alors très difficile de réprimer la passion que je ressens envers ma professeure. Je garde ça secret, évidemment, mais je dois dire que j’aime Bethany surtout pour sa grande beauté, bien que je l’admire tout autant pour l’intelligence dont elle sait faire preuve.
Aujourd’hui, il est midi et, assise à une table du self, je cherche encore à résister à la tentation. L’ayant dans mon champ de vision, j’essaie donc de ne pas la fixer trop longtemps, car elle est en face de moi, à quelques tables, déjeunant en compagnie du révérend Rick, gloussant à ses plaisanteries. J’imagine alors très facilement qu’elle rit à l’une de mes blagues idiotes, et je me surprends à sourire en retour un bref instant, avant de me ressaisir. Mais pendant combien de temps encore vais-je devoir supporter ça en moi ? Et surtout, combien de fois vais-je encore passer à nous rêver ensemble, rien que toutes les deux ?
Il faut que je me concentre sur ma nourriture plutôt que sur Bethany ! Je prends donc immédiatement une bouchée de mon déjeuner, mais une fois ceci fait, mon estomac se remplit à nouveau de papillons en pensant à elle. Je dois trouver un autre moyen pour faire taire mes sentiments…
Sauf qu’il y a quelque chose de si hypnotique dans la façon dont Bethany regarde et sourit à son petit ami Rick que je n’arrive plus du tout à me mentir. J’ignore encore si être aussi honnête avec moi-même est une bonne chose, mais je décide de prendre le risque d’affronter la fureur de la psychologue Lydia March.
Me sentant enfin prête pour mon coming out, je grimpe sans plus tarder sur la table des tourtereaux avec une cuillère en bois dans la main en guise de micro et je chante, droit dans les beaux yeux de mon amoureuse, sur un air What’s Up de 4 Non Blondes : « Go to hell, God’s Promise ! »