J’entre des plus timidement dans la salle de cours, le cœur battant à tout rompre. Quant à la classe, elle est en pleine effervescence. Mes camarades de God’s Promise sont déjà tous assis, crayon en main, leur cahier grand ouvert devant eux, prêts à retranscrire chaque parole de la Sainte Bible qui sortira des si belles lèvres de la dame qui occupe l’ensemble de mes pensées depuis ce premier jour où je l’ai vue. Je la vois aussitôt le seuil franchi. Elle se tient droite, debout, entre le tableau noir et son bureau de professeur. Elle, c’est Bethany Kimbles-Erickson. Ce matin, sa silhouette élancée se découpe sensuellement et délicatement sous les rayons du soleil matinal qui filtre à travers les rideaux de la pièce.
Son doux visage est encadré par de longs cheveux blonds comme les blés, ses yeux sont d’une couleur qui me rappelle l’eau pure du baptême et dans lesquels j’aime me perdre. Néanmoins, lorsque je sens son regard se poser sur moi, je me détourne vivement. Elle est la femme de ma vie, mais je suis condamnée à l’admirer en secret.
En m’installant à ma place habituelle, au centre de la salle et au milieu de tous, je sais que Bethany ne remarque pas ma présence. Aujourd’hui cependant, je ne peux plus rester ainsi, invisible, sans qu’elle s’intéresse à moi. Aujourd’hui, je veux et je dois la sentir près de moi, même si ce n’est que pour un bref instant.
J’ouvre ma trousse pour y prendre un morceau de papier plié en quatre, un petit bout de papier que j’ai soigneusement préparé la veille. Dessus, une simple question, mais qui est loin d’être innocente, ce qui me permettra d’attirer son attention tout en éveillant en elle un léger soupçon.
Le cours commence et je me concentre du mieux que je peux sur les mots sortant de sa bouche, sur les versets bibliques qu’elle récite par cœur de sa jolie voix. Mais mon esprit ne tarde pas à s’évader ailleurs, imaginant ce que serait la sensation de sentir ses lèvres contre les miennes, d’y goûter et de pouvoir lui dire à quel point je la désire et que je suis folle amoureuse d’elle depuis le premier jour.
Sauf que le moment que j’attends arrive plus tôt que je ne le pensais. En effet, Bethany se retourne gracieusement afin de pouvoir écrire quelque chose sur le tableau noir, dévoilant au passage le dos de sa ravissante robe à fleurs et le galbe de ses hanches. Satan est de mon côté, c’est maintenant ou jamais.
Je sors discrètement le papier de ma trousse et je le déplie lentement et en silence. Je relis en vitesse les lettres que j’ai tracées d’une main tremblante : « Est-ce que j’ai le droit d’écrire votre nom dans mon Iceberg ? Cameron. » C’est peut-être un prétexte stupide, mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’elle s’intéresse enfin à moi.
Je chiffonne le papier de manière à ce que je puisse le lancer plus facilement vers son bureau. Je vise et je prends mon élan, puis le papier s’envole au-dessus de la tête des élèves concentrés pour atterrir à ses pieds… Évidemment, elle se baisse et le ramasse, interloquée. Mon cœur s’emballe dangereusement. Elle s’enquiert pourtant de mon message, puis lève instantanément les yeux vers moi. Nos regards se croisent et je ne peux m’empêcher de rougir et de craindre le pire.
Bethany semble néanmoins acquiescer, car elle s’approche de moi avec un sourire bienveillant. Arrivée à ma hauteur, le tissu de sa fine robe effleure mon mollet nu et elle se penche tout près de mon oreille, si près que je peux sentir son souffle chaud sur mon visage – pour mon plus grand plaisir. Puis elle murmure sa réponse :
– Je serai ravie de t’aider à compléter ton Iceberg, Cameron, me dit-elle doucement, et son sourire s’agrandit.
Je suis aux anges, puisque durant ce bref instant, nous sommes seules au monde. Bethany Kimbles-Erickson, ma professeure, mais aussi et surtout mon amante secrète et interdite est juste là, à mes côtés. Elle m’observe comme si j’étais la seule personne qui compte réellement en ce bas monde.
C’est suffisant pour me donner l’espoir que peut-être, un jour, l’amour que j’éprouve pour elle pourra se concrétiser et que je la mènerai jusqu’à l’autel. Pour l’heure, je me contente de cette éphémère proximité volée et je garde précieusement ce souvenir dans mon cœur, sachant que c’est sans doute l’unique bouée de sauvetage qui me permettra de survivre suffisamment longtemps à ce lieu glacial qu’est God’s Promise.