[ Fiction Originale ] 1 Pigeon Pour 2 Corbeaux


Pie était un tout jeune pigeon, qui vivait paisiblement avec ses parents et ses frères. Tous les jours, il avait grand plaisir à se rendre dans la classe de Madame Poulette, sa maîtresse. Il était passionné par la lecture. Il avait appris à lire très rapidement, et depuis, il dévorait tous les livres qui lui passaient entre les pattes !

Pie avait aussi une petite particularité. Quand il n’était encore qu’un tout petit oisillon, une terrible bourrasque de vent avait fait tomber, de l’arbre sur lequel il se trouvait, le nid familial… Lui et ses frères avaient fait une chute d’une sacrée hauteur pour de tout jeunes pigeonneaux, qui bien sûr ne savaient pas encore voler. Heureusement, tous eurent la vie sauve, mais Pie s’était brisé une patte dans l’incident. Et, malgré tous les bons soins de ses parents, elle ne se remit jamais complètement et Pie boitait un peu en marchant. Oh, ce n’était pas un problème pour lui ! Il s’y était parfaitement habitué en grandissant. Et, comme disait Papa et Maman, : « Nous avons eu si peur de te perdre ce jour-là, que le plus important, c’est que tu sois en vie et en pleine santé Trésor ! ».

Un matin, alors que Pie était, comme à son habitude, en train de bouquiner, sa maman annonça qu’il était l’heure de voler vers l’école. « À ce soir Maman, passe une bonne journée !» lança joyeusement Pie, tandis que déjà, il s’élançait dans les airs pour rejoindre la classe de Madame Poulette.

Pour arriver à l’« École des petits moineaux voyageurs », Pie devait traverser la propriété du père Deschamps. Les oisillons craignaient cet homme, et se méfiaient de ses colères. Car oui, le père Deschamps pouvait se fâcher tout rouge quand il découvrait que de petits chenapans d’oiseaux lui avaient chapardé des fruits dans ses récoltes ! Mais à cette heure-ci, Pie savait qu’il n’avait pas à craindre les foudres du père Deschamps. Et pour cause, il l’avait vu, à travers la fenêtre de sa maison, attablé pour son petit déjeuner. Notre petit Pie se mit ainsi à grappiller par-ci par-là une petite mirabelle, une cerise, une mûre, quelques groseilles… Pie était, il faut bien le dire, un petit gourmand !

Quand tout à coup, comme surgis de nulle part, apparaissent deux corbeaux, aussi noirs qu’impressionnants. Leurs yeux étaient aussi sombres que leur plumage et Pie fut tout à fait surpris et apeuré lorsque ces deux nouveaux venus vinrent se poser tout près de lui…

_ « Mais dis donc, tu as vu Blaise, on dirait que ce jeune pigeon stupide est en train de manger des fruits qui ne lui appartiennent pas ? », dit un des deux corbeaux à l’autre, qui se trouvait être son frère jumeau.

_« Mais oui, mon cher Basile, ce petit oisillon insolent n’est ni plus ni moins qu’en train de dérober la récolte du père Deschamps, quelle honte ! ».

Pie tremblait de toutes ses plumes. Il ne savait plus quelle conduite adopter. Il recula timidement et balbutia : « Oh… euh… Vous savez, je n’ai pris que quelques petits fruits abîmés finalement ! Le père Deschamps les aurait jetés, autant que je les mange ! Mais ne vous en faites pas, j’en ai laissé suffisamment pour vous deux. Euh… allez, j’y vais moi… Au revoir !». Pie fit quelques pas dans le sens opposé des deux corbeaux et prit son envol vers l’école. Quand il entendit distinctement les deux vilains corbeaux Basile et Blaise éclater de rire.

_ « Hahahahaha, regarde Blaise, il ne sait même pas marcher correctement, il boitille, il est tellement ridicule, hahahaha ! » dit le méchant Basile à son frère.

_ « Oh oui, c’est peu de le dire ! Hahahaha ».

Et les deux cruels jumeaux reprirent leur activité favorite : dévorer sans scrupules les récoltes du père Deschamps…

Pie les avait bien sûr entendus se moquer de lui. Il en avait le cœur bien lourd. Il aurait voulu leur expliquer l’accident de nid quand il était bébé, et que le principal, c’était d’être en vie… Mais il n’eut pas le courage de les affronter de nouveau. Ils se seraient certainement moqués de lui davantage.

Les jours passèrent et la tristesse de Pie s’atténuait. Il se plongeait dans ses lectures dès qu’il avait un moment libre, et cette passion lui apportait beaucoup de joie. L’incident avec les corbeaux appartenait maintenant au passé.

Un matin qu’il prenait son envol pour l’école, il aperçut de loin les frères corbeaux à l’autre bout de la propriété du père Deschamps. Oh bien sûr, il prit la direction opposée à ces deux corbeaux malfaisants, quitte à prendre un itinéraire plus long. Il ne voulait pour rien au monde se retrouver de nouveau face à Basile et Blaise.

Quand tout à coup, il entendit au loin : « Eh, gentil petit moineau, attends ! Tu te souviens de nous ? Nous sommes Basile et Blaise, tes amis corbeaux ! ». Pie se gratta la tête avec sa petite patte et pensa “euh, vous n’êtes pas vraiment ce que j’appellerai des amis…”. Mais déjà Blaise continuait son discours : « Approche-toi s’il te plaît, viens par ici, nous ne te ferons aucun mal, c’est promis, parole de corbeau ».

Pie ignorait s’il pouvait ou non se fier à l’adage “parole de corbeau”. Il hésita quelques instants, puis dit de toute sa hauteur : « Vous allez encore vous moquer de moi parce que je boite ? ». Blaise prit la voix la plus douce qu’il put et dit : « Non, pas du tout, sois tranquille. Approche-toi s’il te plaît ».

Pie réfléchit encore un instant puis avança timidement. Blaise expliqua : « Regarde, mon frère Basile est très malade. Il a beaucoup de fièvre. Il gémit et ne me répond plus quand je lui parle. Je suis très inquiet. Pourrais-tu aller cherche de l’aide, je ne veux pas le laisser seul et je ne sais pas vers qui me tourner. Nous avons si mauvaise réputation que tout le monde se méfie de nous… Alors que toi, tout le monde t’aime bien…»

Pie savait exactement à qui s’adresser en pareil cas. Ému par le discours de Blaise, mais plus encore par la vue de Basile si mal en point, il prit son envol vers la maison de Madame Poulette. Il savait que son mari, Monsieur Coquelet, était médecin dans la ville voisine et qu’il allait pouvoir aider le pauvre Basile.

C’est ainsi qu’en quelques minutes seulement, le médecin fut avisé de cette situation préoccupante. Le docteur Coquelet vola aussi vite qu’il le put au chevet du corbeau mal en point.

_ « Que s’est-il passé pour que votre frère soit en pareil état ? » demanda le docteur à Blaise.

_ « Je crois qu’il a mangé trop de fruits dans le champ voisin, celui du père Deschamps. Il est tellement gourmand…» répondit tout penaud Blaise.

_ « C’est bien ce que je pensais, il fait une indigestion assez sévère. Je vais chercher de quoi le soigner. En attendant, couvrez-le bien et attendez-moi ici, je n’en ai pas pour longtemps.».

Le docteur Coquelet rassembla quelques baies et autres plantes dont il prépara une décoction. Il rapporta le remède ainsi obtenu auprès des corbeaux et de Pie, resté pour prêter main forte en cas de besoin.

Basile fut rapidement sur pied grâce au breuvage du docteur Coquelet. Plus jamais les corbeaux ne se moquèrent du boitillement de Pie, ils s’excusèrent même pour l’avoir fait par le passé. Nos trois compères devinrent même les meilleurs amis du monde ! Mais aucun d’eux ne s’attaqua plus aux fruits du père Deschamps, ils avaient bien retenu la leçon !


 

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