[ Fanfic-Audio ] STAR WARS : Quand Le Krayt Chantera (voix off féminine)


Il y avait déjà longtemps que les soleils jumeaux de Tatooine avaient disparu derrière le lointain, le très lointain horizon, et que la chaleur du jour faisait dorénavant place à la froideur nocturne.

En plein milieu de la nuit noire, devant un feu de camp creusé dans le sable, Luke Skywalker s’était assis dans la même position qu’un moine B’omarr lorsque celui-ci pratiquait la méditation, c’est-à-dire avec les jambes en tailleur. Quant à Ben Solo, qui se trouvait pour sa part de l’autre côté du feu, bien qu’il imitât parfaitement son oncle en prenant la même posture, pour lui, ce n’était pas vraiment de tout repos.

L’entraînement physique qu’avait subi l’adolescent depuis l’aurore avait été extrême et intensif et actuellement, il avait atrocement mal aux jambes car il était resté debout toute la sainte journée. En effet, il ne s’était pas assis une seule seconde pour se reposer un peu, car son oncle le lui avait strictement interdit.

L’entraînement avait consisté en de nombreux exercices, aussi divers que variés, mais tous prodigieusement violents et acharnés, notamment celui où il avait dû esquiver des pierres lancées par son oncle grâce à la Force. Il avait alors dû puiser dans toutes ses ressources et utiliser toute sa concentration pour passer outre sa douleur et parer les coups. Il n’avait cependant pas pu toutes les éviter et quelques-unes avaient atteint leur but. Sur son corps svelte et musclé, des ecchymoses formaient déjà des auréoles bleutées aux points d’impact, qui se localisaient principalement au niveau du dos. Durant cette éprouvante journée, le jeune homme s’était même essayé à un duel contre son oncle, où des bâtons de bois avaient remplacé leurs sabres laser. Le jeune Ben s’était plutôt bien défendu, n’écopant que de légères blessures, qui n’étaient que des égratignures. En somme, rien de bien grave.

À présent, le jour avait cédé sa place à la nuit et Ben pouvait enfin souffler et accorder un moment de repos à son corps, meurtri par l’entraînement intense des Jedi. Il profita donc de ce temps de pause bien mérité pour appliquer sur ses mains une pommade bacta. L’application de cette lotion régénératrice le brûla d’abord avant de lui donner froid. Le dos de ses mains gardait encore les stigmates de son duel au katana en bois de wroshyr. Ben appliquait le liquide bleu et visqueux du bacta sur le dessus de ses mains en se morigénant en secret sur le problème qu’il ne cessait de rencontrer avec sa garde de combat quand soudainement, Luke prit la parole :

« Tes blessures vont vite guérir. Tu ne garderas même pas une cicatrice. »

Ben savait que son oncle disait vrai. Les blessures de son corps allaient sans aucun doute disparaître aussi vite qu’elles étaient apparues, mais ce qui ne disparaîtrait pas aussi vite, par contre, c’était ce sentiment d’échec qu’il ressentait à l’intérieur de son cœur en cet instant et qui le brûlait aussi sûrement que s’il avait plongé sa main dans les flammes. En effet, il savait que toutes ses blessures extérieures n’étaient que le résultat de son incompétence à maîtriser ses émotions. Il en était plus que conscient, et finalement, ses blessures les plus importantes se trouvaient encore là, tapies au fond de lui-même.

Son manque de confiance en soi représentait une part importante de son échec du jour, et cela ne datait pas d’hier. Déjà tout petit, ce problème le hantait et cela, depuis que son nom était devenu un sujet de moquerie, comme l’avait jadis été celui de son oncle Luke, avec ses camarades du bac à sable de Tatooine. Ben le Solitaire, voilà comment s’amusaient à le surnommer les apprentis chevaliers de l’Académie de Skywalker. Mais comme on le disait si bien et puisque, selon l’adage, « il n’y a que la vérité qui blesse », il devait bien reconnaître qu’il était effectivement quelqu’un de très solitaire, à tel point d’ailleurs que la seule chose qu’il pouvait réellement appeler « camarade » durant le long apprentissage qu’il avait suivi n’avait été nul autre que ce bon vieux tas de boulons de R2-D2. En effet, Ben n’appréciait guère la compagnie des autres étudiants de la Force et restait le plus souvent en retrait quand il y avait des réunions. Tandis que la plupart des novices Jedi passait leur temps à améliorer leurs talents de bretteur ou à peaufiner les techniques d’utilisation des pouvoirs de la Force, lui préférait utiliser son temps libre pour trouver un endroit tranquille et à l’écart, loin des yeux et des oreilles indiscrètes, dans le but de tenter d’entrer en communication avec ses aïeux défunts, en particulier avec son ancêtre Anakin Skywalker, pour lequel il avait une profonde adoration, même s’il ne l’avait jamais connu.

Toutefois, contrairement à ce qu’il pouvait penser, malgré le surnom peu flatteur dont il était affublé et malgré le regard des autres envers lui, tous le considéraient comme l’avenir du Nouvel Ordre Jedi. Mais cela, il le devait avant tout à son statut de neveu du héros galactique qu’était Luke Skywalker, le fondateur de ce Nouvel Ordre. D’ailleurs, Maître Skywalker lui-même fondait de très grands espoirs en la personne du fils de sa sœur, le petit-fils de l’Élu de la Force et, à ce titre, Ben avait eu le privilège de suivre son oncle lors de ce voyage initiatique sur Tatooine, la planète de leurs origines.

Cela faisait presque une semaine standard maintenant qu’ils étaient sur ce monde désertique, et Maître Luke s’était tellement accoutumé au mode de vie des Tuskens nomades qu’il avait rapidement troqué ses vêtements afin de s’habiller à la mode de ces autochtones du désert. Tout le contraire de Ben qui, quant à lui, n’avait pas voulu se défaire du costume traditionnel commun à tous les chevaliers Jedi, depuis des temps immémoriaux. Ainsi, le garçon était toujours habillé d’une bure cérémonielle de couleur blanche. Enfin… le blanc était sa couleur d’origine, mais avec le sable et la sueur qui avaient imprégné le tissu, l’habit du moine-soldat de la Force avait dorénavant pris une teinte jaunâtre, qui faisait davantage penser à la couleur de l’urine d’un Hutt.

Quoi qu’il en soit, Ben était donc vêtu de ce tabard religieux pendant qu’il se badigeonnait les mains. À la fin de ses soins cependant, il n’hésita pas et déchira deux pans de sa bure pour se confectionner une paire de bandages. Ensuite, il fixa intensément le sol de sable à côté de lui, avant d’y poser l’une de ses paumes momifiées. Sous ses doigts nus, le sable était froid et, pour le jeune Solo, habitué aux voyages interstellaires, cette froideur n’était pas sans lui rappeler la température du duracier d’un vaisseau spatial, perdant sa route dans l’espace glacial. Ben prit une poignée de ce sable, qu’il emprisonna dans sa main droite, toujours endolorie, avant de dire à Luke :

« Grand-père a déjà vécu ici, n’est-ce pas ?

Aussitôt, il releva la tête pour voir la réaction de son oncle. Tout d’abord et avant de répondre, Luke réalimenta le feu de camp grâce à une poussée de Force sur les braises, puis lentement, il prit la parole :

– Ça, c’était bien avant qu’il ne parte en croisade pour l’Ancienne République.

– Et de servir dans la Guerre des Clones… Vous vous souvenez de lui ?

– Je ne connais de lui que ce qu’Obi-Wan m’a raconté. C’était un tacticien hors pair, mais il était aussi le meilleur astropilote que la galaxie ait connu.

Ben fit s’écouler tous les grains de sable de sa main rapidement. C’était bien la première fois que son oncle lui répondait avec autant de franchise au sujet d’Anakin Skywalker. Peut-être était-ce l’atmosphère de son monde natal qui lui déliait enfin la langue. Ben, qui souhaitait en savoir davantage sur le premier de sa lignée à être devenu un chevalier Jedi, osa alors demander :

« Que lui est-il arrivé ? »

C’était la première fois aussi qu’il posait cette question à son oncle. Qu’allait-il obtenir comme réponse : un mensonge ou une vérité ?

« Vador l’a emprisonné à perpétuité… », répondit simplement Luke d’une voix rapide.

Ce Dark Vador, Ben y pensa un court instant, juste assez pour se remémorer que jadis, il avait été l’individu le plus craint du temps où l’Empire de Palpatine régnait sans partage sur la Galaxie. Puis Ben pensa immédiatement à ce Obi-Wan, qui autrefois, avait été le mentor Jedi de Vador et à qui le garçon devait son prénom. Ses parents l’avaient en effet appelé Ben en l’honneur de ce vieil homme qui s’était sacrifié dans un duel au sabre-laser contre son ancien disciple pour permettre à sa mère et à son père de s’enfuir de la première Étoile de la Mort.

« Vous avez voulu devenir un Jedi parce que votre père en était un… ? » Commença Ben avant de réfléchir subitement à son propre père contrebandier qui l’avait égoïstement abandonné, lui et sa mère, dès le premier jour où il avait rejoint les Jedi.

La gorge serrée, l’adolescent détourna son regard et ses yeux remplis de larmes contenues se focalisèrent sur les flammes. Mais Luke avait su lire dans les pensées de son neveu. Il lui dit alors :

« Notre famille et la Force sont une dyade. Ton père a toujours trouvé cette croyance démodée, mais tu ne dois pas lui en tenir rigueur. Han est ce qu’il est après tout. »

Luke se préparait à se lever pour aller poser une main compatissante sur l’épaule osseuse de son neveu quand tout à coup, à la dernière seconde, il préféra observer Ben plus en détail. À bien des égards, l’adolescent effrayait son oncle, car celui-ci lui rappelait étrangement Dark Vador à certains moments. Il y avait d’abord sa coupe et sa couleur de cheveux, d’un noir profond, qui rappelait en effet à Luke la forme si particulière et la couleur si sombre du casque de Vador.

Ben Solo n’était encore qu’un adolescent d’une quinzaine d’année et pourtant, malgré ce jeune âge, il dépassait déjà son oncle en taille, faisant presque une tête de plus que le maître Jedi, se rapprochant du même coup de la taille de Vador. Soudain, un frisson naquit et descendit le long de sa colonne vertébrale, se propageant à l’ensemble de son corps et l’espace d’un instant, Luke crut entendre la respiration mécanique de son père dans celle de Ben. Une peur s’empara alors brièvement du guerrier, qui porta instinctivement sa main robotique sur son sabrolaser accroché à sa ceinture. Puis au lointain, quasiment dans le même temps, leur faisant tourner la tête dans la même seconde, les deux Jedi entendirent très distinctement l’écho d’un rugissement de dragon krayt.

Le cri bestial retentit trois fois et, à la fin de la troisième reprise, Luke se rappela soudainement l’avertissement énigmatique du fantôme de Yoda : « Quand le krayt chantera, une étoile noire ressuscitera… »

Le côté obscur de Ben apparut alors plus clairement à Maître Luke et, pour la première fois depuis qu’il avait pris en charge la formation de son neveu, l’oncle sentit que l’adversaire de la Force grandissait dans le cœur de l’héritier de Vador. Le fils Solo était-il donc destiné à devenir lui aussi, à l’instar de son grand-père, une menace pour les peuples de la Galaxie ? Bien que cette pensée l’effrayât au plus haut point, Luke eut tôt fait de la chasser de son esprit sans plus attendre. Il était encore bien trop tôt en effet pour se prononcer, mais même si cette puissance brute qu’il ressentait chez son neveu n’était encore qu’au stade de graine, le choix était finalement simple pour Luke Skywalker : si jamais le Jedi devait ressentir cette peur à nouveau, il n’hésiterait pas une seule seconde et il sonderait l’esprit de Ben afin de savoir de quoi il retournait et voir si son cœur était définitivement perverti.

Parce qu’il était au courant que la Galaxie entière connaissait l’identité réelle de Dark Vador depuis au moins une bonne semaine, Luke se conforta de plus en plus dans son idée de lire dans l’esprit du fils de sa sœur. En effet, presque tous, dans la Galaxie savaient à présent que Vador était le père de la sénatrice Organa et que, par voie de conséquence, Ben était le dernier descendant de l’homme le plus haï de toute l’Histoire galactique. D’où cette retraite sur Tatooine d’ailleurs, et à l’entière initiative de Luke, car s’il existait bien un point central dans l’Univers, ils étaient en ce moment sur la planète qui en était le plus éloignée.

Ainsi retirés de la civilisation, cela avait largement laissé le temps à Luke de tester son élève. Mais maintenant, il fallait voir si Ben était prêt à encaisser cette nouvelle dévastatrice, comme lui avait su le faire, bien des années auparavant.

« Il est l’heure, dit alors Luke à son neveu. Retournons au Temple. »


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *