Au sortir de sa cabane familiale partiellement détruite, Galen Marek fut tout de suite frappé par l’enfer de la guerre, et ce, à cause de l’inexpérience due à son très jeune âge. L’horreur de la bataille lui sauta en effet instantanément au nez quand une affreuse odeur de viande calcinée s’engouffra dans ses petites narines. Peu habitué à une senteur aussi désagréable, le garçon eut un haut le cœur et, pris d’une irrésistible envie de vomir, il fut obligé de plaquer ses mains contre sa bouche pour empêcher cette arrivée massive qui venait de son estomac et qui commençait à s’amonceler de plus en plus dans sa gorge serrée.
Sur la plage de Kachirho, d’innombrables corps de wookiees jonchaient le sol sablonneux dans des positions crispées, parfois insolites, à cause de la rigidité cadavérique. L’expression figée de leur visage donnait d’ailleurs vraiment l’impression qu’ils seraient à tout jamais hantés dans le repos de la mort par un éternel cauchemar. Des soldats en armure blanche et inscriptions peintes en bleu s’activaient pour les empiler les uns sur les autres afin d’alimenter un bûcher inhumain. Cela ressemblait à s’y méprendre à une sorte de nettoyage radical suite à un abattage d’animaux d’élevage afin d’éviter la propagation d’une quelconque épidémie. En y repensant, effectivement, pour les impériaux, la liberté dont se réclamaient les wookiees domestiqués par l’Ancienne République pouvait s’apparenter à une certaine forme de maladie contagieuse.
Logiquement donc, le fait de voir les membres de sa famille adoptive qu’était ce peuple wookiee servir de nourriture au feu poussa aussitôt Galen à détourner les yeux de cette vision infernale afin de porter son attention sur n’importe quelle autre chose dans le but de surmonter son irrésistible envie de pleurer. Mais, où que se dirigeât son regard, il était attristé par ce qu’il y voyait.
Au loin à l’horizon, plusieurs incendies ravageaient la forêt de Kashyyyk, jadis si belle et si gigantesque et il en eut mal au cœur. Ces bois qui habillaient la planète d’un manteau vert et épais et où il aimait faire des promenades pédestres aux côtés de son père n’allaient bientôt plus être qu’une pathétique et désolante étendue de cendres. Jamais plus il ne pourrait éprouver la joie de se balader entre les arbres wroshyr en compagnie de son père, jamais plus il n’éprouverait l’amusement de grimper jusqu’au sommet de ces géants avec ses camarades poilus. Jamais plus enfin il ne cueillerait des plantes à fleurs, tout simplement et avec respect, afin de les déposer sur la tombe de sa mère… Sur l’eau bleu sombre de la mer qui bordait la ville côtière, tout un tas de choses flottaient ici et là, principalement des carcasses d’engins de transport de la population locale. D’immenses quadrupèdes métalliques de l’armée ennemie marchaient également en meute, dans cette même eau, et leur façon si particulière de se déplacer en groupe rappelait très vaguement l’attitude d’un troupeau de banthas nomades, cherchant à tout prix à rejoindre un nouveau lieu de repos. Il entendait aussi, quasiment toutes les secondes, des bruits lointains d’explosions, ainsi que le son si significatif des lasers lancés par des fusils qui rajoutaient leur dose d’horreur à cette journée macabre.
Puis, comme si toutes ces éprouvantes scènes ne suffisaient pas, il vit un homme-machine en armure noire, qui se tenait non loin de lui. Et, sous les yeux étonnés de Galen, il vit que celui-là même qui avait combattu avec autant d’acharnement les clans wookiees il y a encore peu de temps, venait soudainement d’activer sa lame rouge sang, pour partir cette fois-ci assassiner ces soldats en armure blanche et bleue qui faisaient pourtant partie de son camp. Mais pourquoi donc cet abominable monstre massacrerait-il ses propres hommes ? C’était véritablement une énigme insoluble et il y avait dans cet acte un nombre infini d’interrogations que, bien évidemment, les quatre ans d’âge de Galen ne pouvaient expliquer. Qu’importe qui pouvait bien être le traître dans toute cette histoire après tout, mais ce dont l’enfant était certain, c’était que ses jeunes yeux ne pourraient supporter une atrocité supplémentaire.
Afin donc d’apaiser son esprit déjà bien malmené, le jeune Marek se mit en quête d’un coin de plage tranquille pour se plonger dans la contemplation des étoiles, plantées haut dans la voûte céleste. En effet, il n’y avait que la vue d’un ciel étoilé qui était à même de détendre n’importe quelle âme chagrinée, et Galen en était parfaitement conscient, depuis l’affreux jour de la disparition de sa tendre mère. Aussi fut-ce dans l’observation des cieux nocturnes, au-dessus de sa petite tête brune, que Galen trouva une certaine forme de sérénité et de réconfort, alors que le chaos régnait pourtant partout autour de lui. Pour le petit garçon qui avait tout de même des rêves plein la tête, malgré cette journée cauchemardesque, le ciel restait à ses yeux, dans toute sa beauté, l’expression de l’artiste, du peintre originel de l’Univers que ses parents surnommaient « La Force ». Les étoiles décoraient le ciel comme des paillettes sur une ardoise et les trois lunes, resplendissantes, éclairaient la nuit d’un éclat argenté. Hormis les quelques nuages de fumée opaque que créaient les feux un peu partout sur la surface de la planète, cette nuit restait néanmoins l’une de ces belles nuits où la Lune (et en l’occurrence ici les lunes), avec sa clarté blanchâtre, parvenait à égaler la lumière du jour.
Néanmoins, des sortes de grands oiseaux mécaniques vinrent très vite perturber et interrompre sa séance de contemplation et d’apaisement. En réalité, il s’agissait là de ces fameux chasseurs stellaires de l’Empire, qui migraient sous le ciel étoilé d’Est en Ouest, tout en bombardant de leurs lasers verdâtres les cités autochtones alentour. Les bruits horribles de ces vaisseaux monoplaces étaient aussi assourdissants qu’effrayants et, à chaque passage, à chaque fois qu’il entendait le son sifflant de leurs moteurs, un frisson intense venait faire trembler son corps enfantin. Ces bourdonnements qui résonnaient étaient mille fois pire encore que les cris des prédateurs trandoshans et pourtant, ces créatures, ennemis jurés des wookiees, restaient la plus grande frayeur de l’enfant.
Perturbé par l’invasion céleste de ces engins spatiaux, Galen fut donc une nouvelle fois contraint de se trouver un autre endroit pour apaiser son mal-être. Se détournant des cieux, il eut l’envie de jeter un tout dernier coup d’œil derrière lui, par-dessus son épaule, en direction de son père. Mais soudainement, une main gantée de noir vint agripper un pan de son vêtement au niveau de son épaule, le détournant ainsi de la vision du cadavre encore chaud de son père qui semblait dormir paisiblement sur le sol, face contre le sable.
« Viens ! » Ordonna brusquement l’individu de sa voix rauque.
En lui jetant un regard, Galen put voir qu’il était habillé de noir. C’était celui qui avait sorti son sabre pour attaquer ses pairs il y a quelques instants et qui était revenu vers lui, le sabre éteint et qui le trimballait maintenant avec autant d’aisance que s’il s’était agi d’un banal sac à patates… Ce seigneur Vador, comme l’avait nommé l’un de ses soldats, était si violent dans sa manière de tenir Galen que ce dernier entendit très vite les coutures de son habit de tissu se déchirer au fur et à mesure de leur avancée sur la plage. La façon dont le cyborg d’aspect sépulcral traînait Galen donnait vraiment l’impression qu’il le prenait pour un simple chien-womp.
De ce fait, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, l’adulte et l’enfant traversèrent une grande partie de la plage. Sauf qu’au moment où ils passèrent à côté du bûcher funéraire à wookiees, l’odeur fut si insoutenable qu’elle obligea Galen à accélérer le pas, tout en retenant sa respiration pour passer cette atroce épreuve. Tout autour de ce grand feu, Galen remarqua du coin de l’œil que les stormtroopers de tout à l’heure étaient désormais morts et que des lacérations profondes et fumantes scarifiaient leur armure. La voie vers la canonnière clone qui stationnait sur la plage étant à présent libre d’accès, l’homme-droïde et le petit humain se dirigèrent vers celle-ci d’un pas pressé.
Mais à peine l’enfant fut-il monté à son bord que le seigneur Vador se figea brutalement. Bien que ne comprenant pas cette soudaine immobilité, Galen eut cependant la sensation étrange d’être épié. Sans doute son ravisseur s’était-il aperçu de la même chose. Oui, il en était sûr, quelqu’un les observait. Un inconnu semblait les suivre discrètement du regard et semblait prendre note de leur moindres faits et gestes. Et cette toute dernière chose ne semblait pas vraiment plaire au cyborg ébène, car rapidement, il activa de nouveau sa lame rubis juste devant les yeux bruns de Galen, ce qui eut pour effet de l’aveugler un bref instant. Le jeune garçon ne fut donc pas en mesure de voir ce qui se passa lors de la seconde qui suivit et, quand les étincelles se furent dissipées, il vit apparaître devant lui un immense wookiee, qui empoigna de ses grosses paluches poilues un pan de la cape du seigneur noir avant de l’envoyer valdinguer dans les grandes flammes du bûcher. Comme s’il n’en avait qu’après Vador, le wookiee se mit à arracher l’une des ailes de la canonnière à la seule force de ses bras surpuissants et se mit ensuite à courir à toute vitesse vers le bûcher, équipé de cette arme rudimentaire.
Pour sa part, dès l’instant où Dark Vador fut précipité dans le feu, sa cape s’embrasa et il fut paralysé par une peur panique, l’empêchant de se défendre et se débattant dans les flammes. Cependant, ces quelques secondes s’estompèrent bientôt et, ayant repris ses esprits, il s’affairait à présent et avec peine à se relever pour s’extirper du brasier, son corps semblant se consumer sous la chaleur de la fournaise.
Et même s’il pouvait avoir toute confiance en son armure protectrice, Galen crut déceler une immense peur chez Vador. Est-ce que lui aussi, cet être pourtant si effrayant au premier abord, à l’âme emplie de noirceur et de cruauté, appartenant au Côté Obscur, pouvait ressentir de la peur ? Car il semblait plus que craindre les flammes qui le léchaient. Se pouvait-il alors que lui aussi connaisse ce sentiment ? Se pouvait-il même qu’il ait aussi peur du feu que Galen avait peur du noir ? Même si c’était le cas, ce sentiment semblait le rendre encore plus dangereux, car Galen ressentait une immense peur nourrir sa colère.
Et pourtant, malgré sa rage croissante, l’avatar de la Force Obscure ne sut se servir de ce tout nouvel atout pour faire face à la hargne de son opposant wookiee. Ainsi, quand ce dernier le chargea et le matraqua à de multiples reprises avec l’aile de la canonnière clone, Vador se retrouva dans l’incapacité de riposter. Mais tandis que les secondes s’envolaient à la vitesse de la lumière, soudainement, même si son souhait le plus cher était sans doute de voir son adversaire se consumer dans l’incendie qu’avait provoqué les impériaux, le wookiee abandonna son ustensile et attrapa de nouveau Vador, cette fois-ci par la taille, avant de le jeter violemment à terre et de le plaquer au sol, dos contre sable, ce qui eut au moins pour effet bénéfique d’éteindre le feu qui continuait de le dévorer.
L’autochtone de Kashyyyk se saisit alors rapidement du bras avec lequel Vador tenait encore son épée flamboyante et, de sa mâchoire à la pression colossale, il le lui broya afin qu’il lâche son arme laser. Les crocs acérés de la bête humanoïde se plantèrent alors sans difficulté dans son avant-bras robotique, qui se mit à cracher mille et une petites étincelles. Le sabre à lame énergétique se désactiva lorsqu’il s’échappa de la main de son propriétaire pour venir se planter profondément dans le sable, jusqu’à la moitié de la poignée.
À présent à armes égales avec son rival, Vador tenta bien de livrer une lutte acharnée en pleine nuit noire pour le vaincre. Cependant, il restait cloué au sol, pendant que le wookiee demeurait au-dessus de lui et le dominait. Bloquant Vador à terre de tout son poids, le wookiee se mit à frapper le corps de l’hybride plus machine qu’humain à coups de poing, comme si ce n’était qu’un vulgaire sac de frappe. Une série de violents coups s’abattit alors sur les côtes de Vador, qui laissa échapper de terribles hoquets, trahissant son extrême souffrance. Les poings serrés et musclés du wookiee étaient en effet si gros en circonférence que même la tête de Galen n’était pas de taille à les égaler. La férocité dont faisait preuve le wookiee était vraiment très impressionnante, mais sa grande rapidité d’action l’était plus encore, au point que ce dernier parvenait d’ailleurs aussi bien à esquiver qu’à contrer toutes les ripostes de Vador dans ce corps à corps. C’était comme si ce wookiee était le marionnettiste de l’esprit du Sith, comme s’il avait le pouvoir de prévoir d’où allait venir le prochain coup pour lui permettre d’organiser sa défense au mieux et à l’avance. À en juger par sa façon de combattre, digne d’un très grand guerrier, il ne pouvait s’agir que d’un seul wookiee, et Galen le comprit très rapidement.
Dans un éclair de compréhension, le garçonnet reconnut Chewfful, car son apparence, certes peu commune, était reconnaissable entre mille. Celui-ci portait deux bandoulières en bèskar sur ses épaules, qui se rejoignaient au niveau de son torse touffu de poils blancs pour former un X argenté. Deux lames ryyk émoussées habillaient également ses avant-bras pour en faire des brassards défensifs. Son front était ceint d’un bandana vert militaire qui délimitait les dreadlocks qui recouvraient son imposante tête et ses très beaux yeux d’un jaune qui se rapprochait de la couleur de l’or fondu. Mais sa particularité la plus flagrante était que tout son corps était constitué de longs poils blancs et soyeux. On aurait en effet très bien pu le confondre avec un wampa, tant son poil était crayeux comme la neige.
Mais malgré cela, Galen savait qui il était et il n’avait donc aucune raison d’être effrayé par son apparence de bête sauvage. Il le connaissait en effet pour être une sorte de protecteur solitaire, qui vivait reclus dans une cabane, dans les bois. De ce que Galen en savait, ce Chewfull était un très vieux wookiee qui vivait volontairement en ermite dans la forêt, dans un endroit fort éloigné des villages de ses congénères. Vivant en exil comme un nomade depuis plusieurs générations, il était une légende à lui tout seul, possédant la même aura qu’une créature mythique, dont les parents s’inspirent pour effrayer les enfants quand ceux-ci ne sont pas sages. Récemment, pendant la Guerre des Clones, celui-ci avait acquis une certaine réputation de grand guerrier sous le surnom de « Grievous Républicain », car comme son homologue séparatiste, ce wookiee conservait en effet des trophées de ses victimes, constitués principalement de bras. L’imaginaire populaire voulait d’ailleurs qu’il garde son butin dans sa cabane dans les bois et qu’il en avait plus d’un millier en sa possession.
Prêtant aide et allégeance aux chevaliers de l’Ordre Jedi, il était allé de planète en planète, parcourant les systèmes solaires pour combattre les forces du Comte Dooku. L’on disait même de lui que ses actes de bravoures et ses faits d’armes exceptionnels avaient si grandement été appréciés par le peuple guerrier de Mandalore qu’il avait reçu la nationalité mandalorienne. Sa renommée était donc encore très présente dans toutes les mémoires wookiees. D’ailleurs, pour la plupart, cette insurrection civile contre le tout récent Empire Galactique n’était que la suite logique de ce conflit ravageur qu’avait été la Guerre des Clones. Aux yeux des wookiees, il ne s’agissait donc pas d’une nouvelle guerre, mais bel et bien de la poursuite du conflit clonique. Pour acquérir l’indépendance de Kashyyyk, les wookiees avaient résisté à l’offensive droïde et maintenant, ils luttaient simplement contre l’occupation impériale, à côté de leur héros national et interplanétaire.
Mais même avec ces innombrables histoires, qu’elles soient d’ailleurs vraies ou fausses, qui circulaient à son sujet, Galen était sans doute la seule personne de toute la Galaxie à n’avoir aucunement peur de ce wookiee. Car Chewfull restait, dans l’esprit du garçon, comme une sorte de vieil oncle éloigné qui veillait constamment sur lui, en toutes circonstances. Il se rappelait en effet très clairement comment ce même Chewfull l’avait sauvé, lui et son père, face aux prédateurs trandoshans, le jour de la mort de sa mère. Depuis ce triste événement, le wookiee était devenu un héros aux yeux de Galen, et le garçon se souviendrait à jamais du risque encouru par Chewfull pour les sauver.
Pourtant, malgré ce statut héroïque, le fait de le voir se battre avec autant de haine, de le voir matraquer le corps d’un Vador déjà au bord de l’agonie, faisait vaciller les convictions du jeune Galen. Il n’était plus très sûr de la confiance aveugle qu’il avait pu placer jusqu’à maintenant en Chewfull, et ce, même si son fidèle sauveur incarnait à merveille son désir de vengeance en combattant l’individu responsable de la mort de son père Kento.
Galen, protégé dans la canonnière clone amputée d’une aile, observait donc le combat avec de grands yeux apeurés. Car ce duel à sens unique et d’une violence inouïe était très poignant à regarder pour les yeux d’un enfant. Et c’est devant la distribution ininterrompue de coups de poing et devant toute la rage que Chewfull mettait dans l’ensemble de ses coups que le jeune Galen eut peur du Grievous Républicain pour la première fois de sa vie. Plus encore d’ailleurs lorsque ce dernier, animé par une rage de vaincre inégalable, porta un coup de tête, aussi puissant qu’inattendu, contre le casque protecteur de Vador qui se fissura immédiatement en plusieurs endroits. L’arrière du crâne de Vador fut projeté en arrière, le faisant heurter violemment le sol et sombrer dans l’inconscience. Suite à cela, le wookiee se frappa énergétiquement la poitrine avec la hargne digne d’un vainqueur et il poussa un cri sauvage pour savourer comme il se devait sa victoire sur le génocidaire des Jedi. Ce énième acte d’une férocité incomparable, en plus de mettre définitivement fin à la résistance de Vador, qui se retrouva dès lors aussi inoffensif qu’une dépouille à la morgue, scella également le choix de Galen, qui n’en pouvait plus de toute cette violence. Le garçonnet souhaitait simplement que la guerre cesse dès maintenant.
Le corps meurtri, aussi fragile et tremblotant qu’une vieille feuille d’automne ballottée par le vent, Vador gisait à terre, pire qu’une loque, pire qu’un vulgaire détritus, à même le sol. Aussi fébrile et sans défense qu’un bambin nouveau-né, affaibli, sa respiration, autrefois si terrifiante pour beaucoup, n’était plus désormais que le son pathétique et sifflant d’un condamné à mort en proie à la panique avant son dernier rendez-vous. Essoufflé, la peur l’empêchait de lui faire reprendre convenablement son souffle. Encore une seule attaque et le seigneur Sith serait définitivement vaincu, Galen en était parfaitement conscient. Il n’aurait su dire pourquoi, mais étrangement, il ressentait chez Vador cette appréhension de la mort. Le garçon ressentait en effet très clairement au fond de lui-même la peur de cet homme qui se cachait derrière cette armure noire, comme s’il était connecté à lui.
« Nooooonnnn ! » Hurla alors brusquement Galen d’une voix pleine d’émotion à la seule intention des oreilles de Chewfull.
Ne souhaitant en aucune façon assister à la mort de quelqu’un d’autre, dans un élan spontané et irréfléchi, le petit garçon tendit alors soudainement ses deux mains enfantines, comme il l’avait fait peu de temps auparavant pour protéger son père en s’emparant du sabre-laser de Vador, mais cette fois-ci, le garçon utilisa le pouvoir éphémère que lui conféra la Force pour figer le wookiee et le faire s’élever ensuite dans les airs, à un mètre environ au-dessus du sol. Stoppé net dans son élan, si près du but de sortir vainqueur de ce duel, Chewfull exprima la totalité de sa rage dans un hurlement si effroyable qu’il causa un sursaut incontrôlé ainsi qu’un tremblement frénétique du corps de Galen.
À présent, Chewfull se débattait dans les airs contre les mains invisibles qui le bloquaient, agitant ses bras et ses jambes comme s’il nageait pour échapper aux mâchoires d’un prédateur marin, mais tout en continuant à hurler toute sa colère, à l’instar d’un animal sauvage qui serait en pleine chasse. Difficilement mais progressivement, Vador pour sa part, reprenait des forces petit à petit. Il parvint enfin à se remettre debout sur ses jambes robotiques. Rapidement, il ramassa à terre son arme à lame laser plantée dans le sable et, profitant de cet événement fort inattendu qu’était ce miracle de la Force, il activa sans plus attendre son épée flamboyante et la plongea immédiatement dans la poitrine touffue de son ennemi. Poignardé en plein cœur, la victime eut un horrible hoquet de douleur. Les poils blancs de son torse se pigmentèrent lentement du liquide rouge qui sortait de sa blessure pectorale, tandis que la lame laser poursuivait son chemin dans sa carcasse jusqu’à sectionner la colonne vertébrale de l’hominidé, qui se retrouva alors tel un steak de bantha, embroché sur une vibrolame de cuisine. Épuisé par son effort surhumain, Galen, de son côté, laissa retomber ses mains et sombra aussitôt dans un profond sommeil. Dès qu’il tomba dans l’inconscience, Chewfull s’effondra immédiatement, raide mort sur le sable, la gueule contre terre.
Cependant, une fois qu’il eut recouvré ses esprits, Galen fut surpris de se retrouver dans les bras du Sith qui marchait, son menton d’enfant posé sur l’épaule robuste du robot, qui était encore plus dure et froide que ne pouvait l’être le duracier. Sa respiration mécanique était à cet instant précis la plus merveilleuse des berceuses, plus douce encore que la voix même de sa défunte mère qui jadis, aimait lui conter l’Histoire des chevaliers Jedi pour qu’il s’endorme.
Les paupières à moitié closes, Galen entr’aperçut d’autres soldats clones derrière eux, en train de se faire synchroniquement étrangler à mort par des mains invisibles, tandis qu’eux continuaient leur marche. Vador parvint à une passerelle qu’il gravit, puis monta dans une navette à deux ailes symétriques séparées par un aileron et plaça l’enfant sur le siège passager du copilote, tandis que lui-même se mettait à la place du capitaine, aux commandes de l’appareil.
Galen avait vraiment du mal à maintenir ses yeux ouverts, mais pourtant, malgré sa faiblesse, il se força à rester éveillé au moment où il sentit le décollage du vaisseau qui s’éleva peu à peu dans les airs et où il sentit celui-ci foncer droit vers le ciel. Galen n’était certes pas assez en forme pour admirer comme il se devait le phénomène qui allait suivre, mais regardant néanmoins à travers le pare-brise du cockpit de l’engin spatial, il contempla avec un émerveillement endormi toute la magnificence qu’il y avait à quitter, pour la première fois de son existence, l’atmosphère d’une planète. Suite à la disparition de Chewfull, Galen savait désormais que plus rien ne le retenait ici. Plus aucun lien, hormis Vador, ne le rattachait dorénavant à Kashyyyk. Aussi ressentait-il comme une émotion aussi indescriptible que de tomber amoureux le fait de laisser derrière lui le monde qui l’avait vu naître et de laisser son berceau pour partir à la conquête des étoiles. Quand Galen s’endormit une nouvelle fois, ce fut bercé par ce sentiment de joie.
Au moment où il rouvrit enfin ses yeux, l’intérieur du cockpit lui parut d’un coup beaucoup plus angoissant cependant et, en regardant tout autour de lui, il s’aperçut que c’était dû à l’absence de Dark Vador à ses côtés. Pire encore, Galen remarqua qu’il se trouvait seul, au beau milieu d’un incommensurable champ de cailloux, de montagnes, de pierres en tout genre, toutes plus différentes les unes que les autres, tant en tailles qu’en formes, qui dérivaient au gré des courants de la Force, dans le vaste espace intersidéral, comme des déchets dans l’océan.
La navette impériale dans laquelle il se trouvait semblait être arrimée à l’astéroïde le plus gros du champ, mais dans quel système était-il ? Galen n’aurait su le dire, puisqu’il ne reconnaissait plus rien du ciel. Perdu au milieu de nulle part, il ne comprenait tout bonnement pas la disposition actuelle des étoiles. À l’extérieur, les constellations qu’il pouvait observer entre les roches lui semblaient bien différentes de ce qu’il avait l’habitude de voir. Toutes lui étaient en effet étrangères, comme s’il avait voyagé à la vitesse de la lumière jusqu’à l’autre bout de la Galaxie.
Abandonné, plongé dans un noir presque complet et en proie à un froid quasi hivernal, ses nerfs craquèrent tout d’un coup sans prévenir et le pauvre et malheureux Galen ne put se retenir de verser de chaudes larmes. Toutefois, pratiquement dans le même instant, un espoir vola à son secours lorsqu’il vit miraculeusement apparaître, dans le vide spatial, une flopée de droïdes sondes impériaux, qui nageaient en apesanteur droit dans sa direction. Lesdits droïdes aux pattes d’araignée s’attelèrent immédiatement à désosser une à une chacune des pièces de l’appareil avant de les réduire à l’état de miettes microscopiques à grand coup de rayons blaster.
Cependant, il sembla qu’une seule et unique de ces machines arachnéides s’était donné comme principale mission de préserver Galen en conservant le cockpit loin et intact du travail de démolition minutieux de ses consœurs robotiques. La cabine de pilotage avec Galen à son bord fut d’ailleurs précautionneusement et rapidement détachée du reste de la navette par la protectrice automate avant d’être tractée vers un gigantesque vaisseau de forme triangulaire et d’aspect squelettique qui stationnait, depuis la Force seule sait quand, non loin du champ d’astéroïdes.
Le fils Marek, quant à lui, ressentant grâce au pouvoir de la Force que Dark Vador était l’unique présence biologique à bord du navire, s’apaisait à chaque nouveau mètre qui le rapprochait de cette structure trilatérale. Du point de vue du Padawan, en effet, son avenir n’était plus un sujet de crainte puisqu’il était certain que bientôt, très prochainement, son kidnappeur Sith, en vertu de son tout récent titre de père et maître de substitution, ne tarderait vraisemblablement pas à lui donner une autre identité, plus en adéquation avec cette nouvelle vie qui l’attendait en tant qu’adopté du Côté Obscur.