Pour les pires racailles de la Bordure Extérieure, la cantina de Mos Eisley était réputée pour être un endroit si prolifique pour des rencontres qu’elle était constamment garnie de races aliens venant des quatre coins de la Galaxie. C’était effectivement un lieu fort prisé pour celui où celle qui souhaitait vivre de nouvelles aventures, et c’était donc un lieu plus qu’idéal pour le corellien Han Solo. Mais ce capitaine de cargo se démarquait beaucoup des autres habitués en étant quasiment le seul à ne pas avoir une ardoise au comptoir aussi imposante qu’une femelle Hutt. Car sur le plan financier, il ne s’en sortait pas trop mal et, disons-le clairement, tout allait au mieux pour lui à ce niveau-là.
Néanmoins, le vaurien qu’était Solo se trouvait tout de même dans une période de sa vie passablement compliquée, voire même assez difficile du point de vue de certains observateurs. Certes, son contrat de transporteur de contrebande pour le compte du grand Jabba le Forestier le mettait à l’abri de la pauvreté, qu’il n’avait que trop bien connue durant sa jeunesse sur Corellia, mais c’était surtout sur le plan sentimental que les affaires n’étaient pas vraiment au beau fixe. Depuis une année galactique standard, Han tentait péniblement de se remettre de sa rupture avec Qi’ra, celle-là même qui l’avait si honteusement abandonné. Mais il avait vraiment du mal à passer à autre chose, malgré tous les efforts qu’il faisait pour se guérir, dont se servir du seul médicament qui vaille le coup dans une pareille situation, à savoir : l’alcool.
Noyant donc ses tristes souvenirs dans la beuverie, Han en était déjà à la moitié de sa cinquième bière corellienne lorsqu’une serveuse twi’lek vint lui en apporter une sixième. Han commandait toujours cette boisson, ce qui, en fait, ne l’aidait guère à dissiper son chagrin, car en plus d’être son apéritif favori, il était également l’apéritif favori de Qi’ra… Que de nuits ils avaient passés ensemble sur Corellia, à boire jusqu’à être complètement ivres et à regarder ensuite les étoiles en rêvant à leur avenir commun.
Han commençait déjà à replonger dans la nostalgie quand soudain, il entendit les ronflements de Chewie, qui vinrent l’extirper de la morosité des souvenirs de sa vie passée, mais pas pour très longtemps. À côté de lui se tenait en effet son coéquipier wookiee, affalé sur leur table. Une seule bière avait eu raison de cette brute poilue, et en l’observant dormir, Han réfléchit à la relation qu’il entretenait avec lui, ce qui ne put que lui faire regretter encore plus l’absence de Qi’ra. La chaleur d’un wookiee n’égalait en rien celle d’une femme, et bien qu’il aimât passer les nuits froides de Tatooine dans les bras chauds de son wookiee, il préférait tout de même le corps imberbe de la gent humaine. Certes, de temps à autre, il trouvait bien un peu de réconfort dans la location d’esclaves twi’leks, qui venaient alors partager sa couchette à bord du Faucon Millénium, mais aucune de ces aliens n’avait de corps comparable à celui de Qi’ra. Et bien sûr, une fois n’est pas coutume, cette nouvelle réflexion ne l’aida guère à se sortir de sa déprime actuelle. Après tout, Qi’ra avait toujours été son seul véritable amour et, sans doute le resterait-elle jusqu’à la fin de ses jours. Mais la perspective de penser que leur couple ne soit plus dorénavant qu’une histoire appartenant au passé le plongeait dans le refus obstiné d’envisager l’avenir. Rien que le fait d’imaginer son futur sans Qi’ra à ses côtés lui donnait même, à certains moments de la journée, surtout quand il était complètement saoul, des envies suicidaires. Et ce soir ne faisait pas exception à la règle, puisque la présence de son pistolaser personnel accroché à sa cuisse lui réclamait déjà silencieusement de mettre fin à ses interminables souffrances.
Han porta alors rapidement sa chope de bière à ses lèvres afin d’évacuer au plus vite ce genre de pensées obscures de son esprit. Quand brusquement, quelqu’un le bouscula et une partie non négligeable de sa bière se renversa sur la table ainsi que sur son blouson en cuir, et bien qu’il en fut agacé, cela eu au moins le mérite de lui faire oublier ses pensées suicidaires.
« Chewie ! » accusa-t-il, avant de se rendre compte que celui-ci n’avait pas encore décuvé de sa cuite et qu’il dormait, toujours avachi sur la table.
Han tourna alors sa tête vers l’autre côté et malgré sa vue légèrement brouillée à cause de son importante consommation d’alcool, il réussit tout de même à voir l’inconnue responsable du gaspillage de son breuvage. Il s’agissait d’une jeune humaine, petite brunette habillée avec des vêtements d’homme, âgée d’à peine vingt ans, qui s’était invitée à la table des deux contrebandiers, s’asseyant au plus près de Han.
« Pas ce soir ! » Dit sèchement le capitaine Solo à l’humaine, croyant sûrement que cette dernière avait été mandatée par Chewbacca pour jouer la prostituée, comme celui-ci avait souvent l’habitude de le faire pour changer les idées de son coéquipier, mais Han réalisa que son fidèle acolyte dormait encore et qu’il ne pouvait donc être à l’origine de cette surprise.
« J’ai besoin de votre aide ! » Dit d’ailleurs la jeune femme d’une voix pressante et haletante.
À cet instant, Han remarqua que le visage de cette fille était rouge et en sueur, comme si elle venait d’échapper de justesse aux griffes des Tuskens. Mais ce qui l’intéressa surtout chez elle, c’est qu’il remarqua qu’elle semblait avoir d’aussi beaux yeux que sa regrettée Qi’ra, ainsi que des lèvres aussi pulpeuses et appétissantes. À moins que ce ne soit l’alcool qui se diluait dans son sang qui faisait que Han arrivait à faire ce genre de comparaison. À la différence de Qi’ra cependant, elle semblait plus petite de taille et même son visage de poupée de porcelaine semblait beaucoup plus mince. À première vue, elle semblait en effet être moins en chair que sa Qi’ra, mais elle pourrait amplement faire l’affaire pour la nuit, se dit Han à lui-même en la contemplant.
« On cherche à se débarrasser d’un petit copain un peu trop possessif ? » Demanda d’ailleurs Han dans l’espoir peut-être de faire d’elle sa compagne éphémère pour la nuit.
Mais la jeune femme ne lui répondit rien, et peut-être ne l’avait-elle d’ailleurs même pas entendu, puisque depuis qu’elle s’était assise, elle regardait, paniquée, les autres tables de l’établissement, comme si elle recherchait déjà un autre compagnon pour se joindre à elle et terminer sa soirée.
Bien que la beauté de cette étrangère était telle qu’elle pouvait légitimement prétendre au titre de sœur jumelle de Qi’ra, Han, qui voyait bien que cette dernière s’apprêtait déjà à partir, en quête d’un autre partenaire, décida finalement de se détourner à contrecœur de la demoiselle. Mais tandis qu’il épongeait maintenant de sa manche la bière renversée afin de nettoyer la table, celle-ci le détourna vivement de sa tâche en lui attrapant le visage entre ses deux mains gantées, puis en l’embrassant ensuite par surprise.
Paralysé par cette situation pour le moins inattendue, Han resta là, aussi immobile que s’il avait été plongé dans un bloc de carbonite. Les yeux vitreux du contrebandier demeurèrent grands ouverts et fixés sur cette douce figure féminine qui se trouvait en face de lui, tout près de lui. Très rapidement néanmoins, Han abandonna sa passivité et, laissant de côté la table collante de bière, il enlaça la jeune femme avant d’utiliser ses deux mains pour explorer sa silhouette élancée dans l’espoir de caresser langoureusement les courbes harmonieuses de son corps. Mais Han n’eut pas le temps d’inspecter sa toute nouvelle marchandise plus avant, puisque ladite humaine eut tôt fait de replacer vivement ses mains entreprenantes à des endroits beaucoup plus décents et appropriés. L’une des mains de Han tenta bien à plusieurs reprises de dévaler ses hanches, mais toutes ses tentatives furent vaines et se soldèrent par des défaites cuisantes.
Après moult essais infructueux, Han décida de changer complètement de tactique, et à plusieurs moments, il tenta donc de franchir le barrage des lèvres de l’inconnue, mais sa partenaire maintenait ses lèvres si fermement scellées qu’il échoua à chaque fois. Sa bouche restait complètement verrouillée à toute tentative d’intrusion, si bien que rien ne bougea d’un seul pouce pendant toute la durée du baiser. Elles restaient juste là, comme ça, collées l’une contre l’autre et posées nonchalamment sur celles de Han. Ce n’était pas réellement ce qu’on pouvait appeler un baiser. Et devant l’insistance répétée du vaurien, la jeune femme perdit rapidement patience, au point qu’elle en vint même à lui agripper sa tignasse brune afin que celui-ci calme une fois pour toutes ses ardeurs naissantes. Subissant un nouvel échec, Han rompit alors l’étreinte de lui-même, car il n’arrivait définitivement pas à comprendre le jeu auquel voulait s’adonner la jeune dame. Les femmes étaient vraiment la chose la plus étrange de l’Univers !
Habituellement, Han parvenait sans mal à déchiffrer les arrières-pensées des femmes et pour lui, les cœurs de la gent féminine étaient aussi faciles à lire que des hololivres ouverts. Pourtant, aujourd’hui, c’était une tout autre histoire… Cette femelle qu’il avait en face de lui semblait en effet être complètement hermétique à son charme naturel.
Mais tandis qu’il cherchait toujours à percer les intentions cachées de la jeune femme, tout à coup, celle-ci jeta un rapide coup d’œil paniqué par-dessus son épaule osseuse et toute l’attention de Han se concentra sur les deux soldats impériaux qui venaient de faire irruption dans la cantina. Ce duo de stormtroopers semblait être en pleine ronde d’inspection, puisqu’il allait de table en table, interrogeant les clients de l’établissement, comme lors d’un simple contrôle de routine. Pour Han, c’était assez anodin de voir des représentants de l’Empire en patrouille et c’était donc quelque chose qu’il prenait plutôt à la légère, avec presque autant de désintérêt que s’ils avaient été des militaires en permission. Contrairement à lui cependant, la jeune femme à ses côtés sembla soudain inquiète et apeurée par leur présence. L’attitude jusque-là si incompréhensible de la jeune humaine devint tout à coup beaucoup plus claire aux yeux de Han, qui comprit instantanément que cette dernière devait sans aucun doute être recherchée par les troupes de l’Empire. Han en eut même la confirmation quand les deux soldats impériaux s’approchèrent dangereusement d’eux, car il sentit que la fille était sur le point de s’enfuir loin d’ici en détalant à toutes jambes, puisqu’elle avait déjà pris appui sur la table ovale afin de se mettre debout. Mais Han la retint rapidement et solidement, tout en restant discret, par le pan d’un de ses habits pour la faire rasseoir, avant de passer un bras autour d’elle afin de simuler une relation de couple de plusieurs années, dans le seul et unique but de ne pas éveiller d’éventuels soupçons de la part des impériaux en mission.
Quand les soldats en armure blanche arrivèrent à leur hauteur, l’un d’entre eux, sans doute le plus haut gradé en raison de son épaulette orange, ordonna d’une voix autoritaire : « Montrez-nous vos cartes d’identité ! »
Voulant se présenter comme un parfait citoyen modèle, à la fois lambda et toujours prompt à obéir, Han sortit donc immédiatement sa pièce d’identité, qu’il tendit à l’officier avec un air serein, contrairement à la femme qui, bien que donnant elle aussi sa carte, eut quant à elle un peu de mal à cacher sa nervosité croissante. Car alors qu’elle tendait sa carte aux autorités, elle ne put calmer sa main quelque peu tremblotante. Et si Han était parvenu à le remarquer, il y avait un risque certain pour que les impériaux se mettent à avoir des doutes sur eux. Alors, tandis que l’officier impérial s’emparait des cartes d’identités avant de les transmettre à son subalterne, qui lui, s’empressa de les insérer dans un appareil portatif, Han prit tout de suite la parole :
« Vous êtes bien loin des mondes du Noyau messieurs ! Dit-il avec toute l’arrogance qu’il avait lorsqu’il se trouvait en présence de ses anciens camarades de l’armée.
– L’Empire est à la recherche d’une bande de rebelles qui sévit dans la région.
– Des rebelles ? En plein espace Hutt ? Je pense qu’ici, ils ont plus à craindre du Cartel que de l’Empereur, continua Han avec le même ton.
– L’Empereur est au-dessus des Hutt, citoyen !
– À la santé de l’Empereur alors ! Déclara Han en levant sa bière quasiment jusqu’au nez des soldats.
La désinvolture dont faisait preuve Han n’était pas pour plaire à l’officier, qui ne tarda d’ailleurs pas à partir sur un autre sujet, beaucoup plus délicat.
– Depuis quand il est à vous ce wookiee ?
– Comment ça ? Dit Han en regardant tour à tour le commandant trooper, Chewbacca, puis l’étrangère.
– Excusez-le, il est un peu saoul. En fait, nous venons tout juste de l’acquérir comme cadeau pour nos fiançailles, répondit la jeune femme en parvenant à formuler convenablement cette phrase malgré son anxiété.
– Conformément à l’article 1138 de la loi sur le recensement des sous-espèces, vous avez une période de six rotations planétaires standards pour enregistrer votre esclave au poste impérial le plus proche de votre lieu de résidence actuel.
– Ça sera fait, répondit une nouvelle fois la jeune femme au quart de tour pour éviter de s’attirer des ennuis.
– Tout est en ordre chef, coupa brusquement le soldat avec son appareil avant de remettre les deux cartes d’identité à son supérieur hiérarchique.
– C’est une belle époque pour se marier. Puisse l’Empereur vous permettre de vivre heureux », conclut le commandant avant de rendre les cartes d’identité au faux couple et de tourner les talons avec son coéquipier.
Sauf qu’une fois les deux soldats en armure blanche hors de portée de vue et des oreilles, la jeune femme n’attendit pas pour se libérer du capitaine Solo en se dégageant de son étreinte et en le repoussant vivement contre son wookiee qui, malgré cette bousculade, demeura toujours inerte.
– Lâchez-moi… murmura-t-elle à l’encontre de Solo.
– Eh, doucement fillette ! Vous me devez une fière chandelle.
Mais cette dernière ne l’écoutait déjà plus, car elle s’était empressée de s’emparer de la chope de bière de Han pour la boire cul sec afin de se détendre après cette éprouvante entrevue.
– Vous avez l’air d’avoir de sacrés ennuis dans ce bled ! C’est quoi votre nom ? Osa demander Han au bout d’un moment. (Comme aucune réponse n’effleura ses lèvres, il poursuivit) Écoutez, je me contrefiche de savoir que l’Empire s’intéresse à vous ou…
– Jyn… Je m’appelle Jyn… dit-elle brusquement de sa bouche aux lèvres pleines de mousse de bière.
Jyn ! Enfin Han pouvait mettre un prénom sur ce doux visage.
– Han Solo, dit-il en tapotant son torse d’un index, capitaine du Faucon Millénium.
Qu’est-ce que Han pouvait aimer se présenter comme le pilote du vaisseau spatial le plus rapide de toute la Galaxie auprès des étrangers… Jamais il ne s’en lasserait, surtout quand la réaction de ses interlocuteurs était comme celle de cette Jyn à cet instant.
– Le Faucon Millénium !? Ça ne serait pas ce type d’appareil qui a bouclé le raid de Kessel en 20 parsec ?
– En 12 parsec, rectifia immédiatement Han. Ouais ce coucou en a dans le ventre ! N’importe quel engin de l’Empire, je peux le battre en vitesse pure. Même les plus récents modèles de chasseurs TIE ne font pas le poids face à moi, dit Han avant de poser une main pleine de sous-entendus sur l’une des cuisses de Jyn, et de poursuivre : Hangar 49 si vous souhaitez décoller vers les étoiles ! »
Jyn esquissa un sourire trompeur qui fit alors croire à Han qu’elle allait le suivre jusqu’au Faucon pour faire plus ample connaissance. Mais soudainement, elle lui asséna un violent coup de poing en pleine mâchoire en réponse à la proposition qu’il venait de lui faire. Puis elle se leva en furie et s’en alla de la cantina en lançant toutefois comme injure à Han : « Sale vaurien ! »
De la paume de sa main, Han examina sa blessure en regardant s’éloigner cette Jyn. Du sang se colla alors sur ses phalanges, constatant qu’elle lui avait causé une bien belle cicatrice au niveau du menton. Ah vraiment ! La cantina de Mos Eisley offrait de mémorables rencontres… Suite à cette mésaventure néanmoins, Han Solo comprit enfin qu’il était peut-être temps pour lui d’effacer Qi’ra de son esprit et d’attendre patiemment qu’une prochaine aventure vienne d’elle-même se présenter à lui, dans cette fameuse cantina de Mos Eisley.