D’après les dires de sa défunte mère, les pouvoirs de la Force étaient si nombreux qu’ils égalaient pratiquement le nombre incalculable des étoiles qui habillaient la Galaxie ; Galen se rangeait donc tout naturellement du côté de ce très perturbant point de vue. D’ailleurs, lorsqu’il se mettait à penser à cette entité mystique toute-puissante qui l’entourait et le pénétrait, il lui arrivait régulièrement de succomber à une peur si incontrôlable qu’il perdait trop facilement la maîtrise de son corps, et semblait alors agir sous la pression d’une force obscure. Et en cet instant très précis, le jeune garçon de six ans redoutait plus que tout de s’abandonner sur ce chemin qui menait aux portes sombres et froides du Côté Obscur.
Les bruits qui lui parvenaient de l’extérieur de la cabane, où son père lui avait expressément ordonné de rester caché jusqu’à son retour, étaient si effrayants qu’il sentait déjà venir le spectre de la partie noire de la Force. De là où il se trouvait par rapport à la terrible bataille qui se déroulait au-dehors, il percevait en effet très bien les cris atroces des guerriers wookiees qui s’élançaient au combat, ainsi que ceux des tirs de blasters qui les accompagnaient. Ceux-ci étaient d’ailleurs ponctués de temps à autres par de si brusques explosions qu’elles le faisait sursauter dans sa modeste cachette. Et le jeune humain avait beau maintenir les paumes de ses mains plaquée contre ses oreilles pour faire barrage à ces bruits, il parvenait toujours à entendre toutes ces choses, à cause de cette Force qui était si horriblement présente, partout autour de lui.
Une multitude de choses pouvait très rapidement l’effrayer, comme ce très étrange pressentiment de ne plus jamais revoir son père vivant. Mais ce qui le terrifiait plus encore que cela, c’était surtout de le voir surgir d’un moment à l’autre, et de constater avec la plus grande déception que son fils n’avait pas su contrôler sa peur. Et ce fut grâce à cette seule et unique pensée de voir son père réapparaître soudainement pour le découvrir dans cet état pitoyable, qu’il réussit à se ressaisir pour éviter la propagation de cette peur maladive à tout son corps.
Afin donc de prémunir son esprit contre une éventuelle possession par les sentiments vénéneux qui alimentent le Côté Obscur, Galen savait bien qu’il n’avait qu’à penser aux souvenirs qui lui restaient de sa mère pour obtenir en très peu de temps un brin d’apaisement. En fermant ses yeux, Galen tenta donc de se remémorer la technique Jedi que sa mère lui avait enseignée pour qu’il arrive à maîtriser cette peur. Il s’agissait simplement d’un exercice de contrôle de sa respiration. Néanmoins, pour que la magie puisse opérer convenablement, Galen imagina que les mains qui lui bouchaient les oreilles n’étaient autres que celles de sa mère.
Avec cette méthode et après plusieurs enchaînement d’inspirations et d’expirations, le petit garçon parvint donc à focaliser son attention sur un seul et unique son. À l’aide de cette simple technique, Galen balaya en effet un à un l’ensemble des bruits parasites qui l’horrifiait, et se concentra sur un son bien spécifique qui apaisa son mal en très peu de temps. Il aimait d’ailleurs tellement entendre ce son qu’il libéra peu à peu ses oreilles de l’emprise de ses mains. C’était une sorte de bourdonnement, comme celui d’un laser qui coupait l’air. Ce son était d’ailleurs si particulier qu’il ne pouvait se tromper sur son origine. Dans le brouhaha de la bataille, il discerna effectivement deux lames laser qui s’entrechoquaient. Galen se souvenait encore fort bien de l’époque où, sa mère étant encore en vie, il avait assisté à maintes reprises, en tant que spectateur, aux entraînements de ses parents dans les bois de Kashyyyk. Ces souvenirs constituaient d’ailleurs les plus beaux moments de sa jeune vie.
Mais alors que sa méditation commençait à peine à faire effet, une soudaine explosion vint faire trembler les murs de sa cabane, anéantissant en un rien de temps tous ses récents progrès. Quelque chose venait bien de frapper la demeure de plein fouet, et Galen pensa tout d’abord qu’il s’agissait là d’un tir de canon laser, car une épaisse fumée poussiéreuse accompagnée d’une détestable odeur de bois brûlé vint rapidement envahir la pièce. Il lui fallut cependant un certain temps avant de se rendre compte qu’il n’en était rien. Et quand enfin il constata que c’était la porte d’entrée de sa cachette qui venait d’exploser en morceaux, son cœur s’emballa à la vitesse d’un chasseur TIE, car il redoutait maintenant de voir apparaître ces soldats en armure blanche, si craints par son père, pourtant valeureux soldat.
Alors qu’il se terrait derrière la porte désormais inutilisable, il se concentrait pleinement sur les environs immédiats de la porte, et fut surpris de ressentir une présence autre que la sienne à l’intérieur même de la cabane. Dans le coin, à l’exact opposé de la porte détruite, il parvint en effet à discerner quelque chose de très étrange malgré l’aveuglante fumée. Et ce qu’il vit l’étonna au plus haut point car il ne s’agissait ni d’une roquette, ni même d’une bombe à fragmentation comme il l’avait d’abord supposé, mais bel et bien d’un être vivant ! Ce dernier se tenait sur ses quatre pattes, et il essayait péniblement de se remettre debout. Galen vit qu’il était bien trop petit pour être un wookiee, et cela ne pouvait pas être non plus un trandoshan du fait de sa couleur brune. Après seulement quelques petites secondes d’observation, Galen reconnut enfin l’uniforme de son père. Il voulut alors courir vers lui pour l’aider à se relever, mais à l’instant même où il pensa à se précipiter vers lui, il resta tétanisé par une version de la Peur qu’il n’avait encore jamais ressentie auparavant.
La fumée s’étant peu à peu dissipée, Galen distingua très clairement, dans l’embrasure du trou béant causé par l’explosion, une imposante silhouette noire armée d’une épée laser à lame rouge. C’était la première fois que Galen voyait un sabre d’une telle couleur, et de nouveau, la peur le saisit et paralysa complètement son corps. Il resta hypnotisé par la respiration mécanique et inhumaine de ce sombre personnage, qui était la Peur incarnée. Aux yeux de Galen, il n’y avait pas d’autre explication : cette créature infernale était la Peur qui s’était faite chair. Par ailleurs, un froid glacial semblait émaner de cet être cybernétique qui était de la taille impressionnante d’un wookiee. À la vue de son armure sépulcrale, lui permettant sans aucun doute de rivaliser à mains nues avec un wookiee, un gigantesque frisson vint secouer l’ensemble du corps du jeune Galen.
Aussitôt que cette créature se mit en mouvement, sa sombre cape de laquelle dépassaient ses larges épaules vint laper ses Rangers. Le bruit des pas lourds de ce monstre noir était plus assourdissant encore que les explosions extérieures. En martelant le sol de ses grosses bottes en cuir ébène, il faisait craquer le parquet à chacun de ses pas d’un bruit semblable aux craquements d’os. Il parcourut aisément les quelques pas qui le séparaient du père désarmé de Galen, se planta devant lui et, à l’aide d’une force invisible, le souleva dans les airs. Puis, d’une puissante voix rauque et grave, qui résonna dans l’entièreté de la cabane, il proféra : « quelqu’un de beaucoup plus puissant est ici ! Où se cache ton maître ? »
Une fois ces quelques mots prononcés, Galen, toujours caché derrière ce qui restait de la porte, posa à nouveau son regard sur le sabre du seigneur noir. Cette arme menaçante s’était levée pour venir ponctuer la phrase de son propriétaire. Au moment où la lame rouge s’éleva, Galen ressentit une peur immense remplir sa conscience à ras bord pendant que le bruit de la lame lacérait l’air. Mais ce sentiment qui, en temps normal, aurait dû le paralyser, le poussa au contraire à bondir hors de sa cachette et à marcher droit dans le dos du seigneur noir. S’aidant de ses petites mains d’enfant posées sur le sol pour se remettre debout, il avança comme s’il était hypnotisé vers l’homme-machine. À partir de cet instant, Galen sut qu’il était envahi par la Force, et même s’il en était conscient et prêt à parier que c’était le côté obscur qui s’était emparé de son corps, cela lui donnait le courage et la force de marcher droit sur son ennemi.
Les bruits extérieurs de la bataille masquaient totalement ceux de ses pas, lui permettant ainsi de se rapprocher en toute discrétion de son rival. Cependant, sa marche fut interrompue lorsqu’il reconnut d’emblée la voix familière de son père, qui s’éleva alors pour répondre sèchement à ce terrifiant personnage : « le côté obscur a brouillé ton esprit abject, tu as tué mon maître il y a des années ! » Néanmoins, les paroles effrontées de Kento n’eurent pas grand effet sur l’attitude indifférente et cruelle du guerrier noir, dont Galen était à présent terriblement proche. La seule arme qui se trouvait à la portée du jeune garçon était cette silhouette, cette Force qui lui faisait horriblement peur, mais pour sauver son père de l’emprise de ce seigneur noir, il n’y avait pas d’autre solution ; la phrase que hurla l’individu masqué poussa même Galen à rapidement choisir cette option.
« Et maintenant tu vas connaître le même sort ! » Mais à l’instant même où la lame rouge allait s’abattre sur son père, Galen lança ses paumes vers elle et l’épée rougeoyante vint instantanément se blottir dans le creux de ses mains. Comme appelé par un puissant aimant, le pommeau du sabre-laser s’arracha de la prise de la main gantée du seigneur noir pour venir se loger dans les petites mains du garçonnet. Le manche de l’arme était si gros dans ses mains d’enfant qu’il ne pouvait complètement refermer ses doigts autour. L’épée de lumière était également très lourde à porter pour ses jeunes bras, mais il parvint néanmoins à la pointer vers la poitrine de la machine qui avait immédiatement fait volte-face, à la seconde même où son arme laser lui avait été arrachée des mains. Apeuré, Galen s’immobilisa une fois encore lorsque de nouveau, une voix grave sortit du répugnant masque squelettique : « un fils ?!
– Cours !!! » Mais avant même d’avoir le temps d’obéir à l’ordre de son père, un craquement effroyable se fit entendre et le pauvre Galen vit alors instantanément son père s’effondrer, mort sur le sol. Sans trop savoir comment, Galen sut tout de suite que son père voyageait désormais vers le royaume de l’au-delà, et il en éprouva une profonde et soudaine tristesse, qui alimenta considérablement sa peur et sa fureur.
La machine se retourna et se dirigea ensuite vers lui avec autant de détermination que de prudence. Galen recula d’autant de pas que fit l’homme-droïde pour avancer vers lui. Son futur était pour le moins très incertain, et la crainte de la suite des événements était particulièrement intense. Qu’allait-il donc advenir de lui à présent ? Il était devenu orphelin. Il n’eut cependant pas le temps d’essayer de prédire son avenir, car des martèlements de bottes militaires se firent entendre sur sa gauche, et il remarqua alors qu’au moins trois soldats en armure blanche venaient déjà de pénétrer dans la pièce où il se trouvait. Galen changea alors rapidement d’adversaire, préférant faire face au plus grand nombre. Les soldats ne tardèrent pas à le mettre en joue, puis les fusils lasers firent feu sans prévenir. Et tandis que Galen s’était préparé à riposter, son sabre-laser lui fut brusquement arraché des mains par une force invisible et, interloqué, il vit le seigneur noir s’en saisir en plein vol pour démembrer et décapiter ses propres soldats.
Le jeune Galen demeura interdit devant cette scène inouïe, se contentant simplement de contempler l’extrême violence dont faisait preuve son sauveur. En moins de temps qu’il n’en faut pour qu’une étoile filante passe dans un ciel, le seigneur noir taillada ses hommes un à un, qui s’effondrèrent sur le sol avec la même rapidité que Kento, un peu plus tôt. Puis, aussitôt après avoir effectué sa danse macabre, le seigneur noir se retourna brusquement pour faire face à Galen, et de sa voix robotique mais légèrement moins diabolique, lui sembla-t-il, il lui dit : « Viens avec moi ! D’autres soldats sont en route ! »
Toujours sous l’emprise de la terreur, Galen suivit presque inconsciemment et automatiquement son tout nouveau protecteur. Désormais accompagné par la Peur en personne, le jeune garçon pourrait peut-être enfin espérer ne plus jamais ressentir ce terrible sentiment de toute sa vie. Se voyant bientôt guéri de ce mal, il s’imaginait déjà en train d’arpenter la Galaxie, sans jamais plus avoir à emprunter cet effrayant chemin qui menait au Côté Obscur.