Une fois que le croiseur républicain se désarrima du vortex de la vitesse-lumière, et que les étoiles se mirent à scintiller dans l’immensité noire de l’espace, le seigneur Revan commença à chercher parmi les astres l’objet de sa quête. Et après seulement quelques petites secondes d’observation, la silhouette tant attendue de la gigantesque station spatiale en forme de tour de garde se dévoila finalement aux yeux du Jedi.
Après des mois et des mois de chasse au trésor à travers toute la galaxie, Revan pouvait enfin contempler pour la première fois la si mythique Forge stellaire. Et bien qu’il n’ait jamais douté un seul instant de l’existence réelle de cette arme millénaire, le fait de pouvoir vérifier enfin que celle-ci stagnait bien dans le vide intersidéral lui procura bizarrement un énorme sentiment de soulagement.
Maintenant que l’héritage des Rakata était à sa portée, Revan semblait soudainement prendre conscience de l’importance cruciale de son grand projet de refonte du système galactique. Ce vaste plan, de doter la République d’une invincible armada, avait été son obsession première depuis la bataille de Malachor V, et du début de la déroute des armées mandaloriennes. Car pour Revan, en cas de nouveau conflit, la République ne pouvait se permettre de négliger cette ingénieuse machinerie qu’était la Forge. En effet, cette remarquable usine était capable, selon les dires des Anciens de Lehon, de produire à l’infini des droïdes et des vaisseaux de combat et cela en ayant uniquement le côté obscur de la Force pour carburant.
Avec sa popularité acquise pendant la guerre contre Mandalore, Revan ne doutait pas que les mondes se rangeraient derrière lui lors de sa marche vers Coruscant pour annoncer au Sénat républicain sa récente découverte. Revan s’imaginait même déjà recevoir le mandat de Chancelier suprême pour service rendu à la galaxie, et avec les productions futures de la Forge stellaire, son règne serait marqué par la plus époustouflante période de paix économique et sociale que n’eut connue la galaxie depuis au moins des centaines d’années.
Du point de vue de Revan donc, qui était plus qu’attaché aux valeurs républicaines, sa vision de l’avenir n’avait pour unique dessein que de sauvegarder le régime républicain. Cependant, même dans ses rêves, il restait lucide. Car il se doutait bien que jamais les Jedi ne lui céderaient aussi facilement la place. Ceux-ci camperaient très certainement sur leur position d’après-guerre, à savoir qu’il n’était rien de plus qu’un vulgaire Jedi déchu avec des pensées aussi subversives que nuisibles, et que son destin était de mourir en exil dans les lointaines Régions Inconnues.
Ainsi au fond de lui-même, Revan savait bien qu’il serait peut-être nécessaire d’avoir recours à un coup d’état militaire afin de plonger temporairement la République dans une période dictatoriale, le temps pour lui de mettre sous silence cet ordre décadent des Utilisateurs de la Force. Il redoutait bien évidemment de s’accaparer la magistrature suprême par la force, mais son regard à l’égard de son ancienne famille adoptive était devenue beaucoup plus critique depuis ce triste conflit qu’on appelait déjà les guerres mandaloriennes.
En effet, il n’y a pas si longtemps, tandis que les planètes près de la Bordure avaient été complètement ravagées par le colonialisme mandalorien, le Conseil Jedi avait quant à lui décidé de rester passivement en retrait, déclarant que cela n’était absolument pas du ressort de l’Ordre et que tout ceci n’était qu’une affaire républicaine interne. Cette traîtrise de la part des hauts représentants de l’Ordre, qui refusèrent de défendre les systèmes républicains, poussa très tôt Revan à remettre en question l’autorité de ces derniers. Car en tant que gardiens de la paix et de la justice dans la République, c’était bien aux Jedi de défendre cette dernière en cas de guerre. Mais aux yeux de Revan, l’ordre millénaire des Jedi était surtout entré en décadence le jour où celui-ci décida d’excommunier tout chevalier qui s’engagerait aux côtés des forces républicaines pour lutter contre l’empire expansionniste de Mandalore l’Ultime.
Lorsque Revan choisit de sciemment désobéir au Conseil, afin de bouter hors du territoire républicain les envahisseurs mandaloriens, ce même Conseil le déchut instantanément de son rang et de ses privilèges de chevalier Jedi. Ainsi, en refusant de suivre aveuglément les ordres de l’Ordre, Revan fut dès lors le premier d’une longue série de parias. Mais alors que sa déchéance aurait dû en dissuader d’autres de rejoindre les rangs du Revanchiste, cela produisit l’effet complètement inverse. Et même ceux qui refusèrent de prendre part au combat trouvèrent le châtiment du renégat comme étant injuste et contraire aux principes du Code Jedi.
Néanmoins, ce fut grâce à cet odieux bannissement que Revan attira à lui la compassion et le soutien de la caste des sénateurs, et que très vite sa popularité le plaça comme l’un des individus les plus respectables de la Galaxie. À l’époque cependant, il n’avait pas su tirer avantage de l’importance de son poids sur la scène politique. Mais maintenant qu’il était en possession du pouvoir de la Forge stellaire, il caressait l’idée de soumettre à l’ensemble de la galaxie son grand programme pour l’avenir et de jouer un rôle beaucoup plus actif dans le paysage politique.
D’ailleurs une fois qu’il serait élu à la tête de l’État républicain, l’une de ses toutes premières mesures serait de définitivement remplacer l’Ordre des Jedi par l’Ordre des Sith. Car le revanchiste savait bien que seules, des âmes entièrement soumises au Côté obscur pourraient pleinement utiliser tout le potentiel de la Forge stellaire, et il était malheureusement plus que convaincu maintenant que ces chevaliers lumineux de cet ordre obsolète étaient incapables de se réformer et d’évoluer dans cette direction ténébreuse. Ayant déjà prouvé à maintes reprises leur inefficacité à garantir la paix et la justice, ces piètres défenseurs de la République devaient dorénavant prendre conscience de l’échec de leur code de conduite et d’en tirer la leçon que les Sith seraient peut-être plus à même de défendre la galaxie.
Si la Force le voulait donc, toutes ses pensées deviendraient très prochainement réelles, et Revan qui ne pouvait détourner son regard de la Forge stellaire depuis qu’elle se dressait enfin en face de lui, ne priait que pour avoir la bénédiction de cette entité mystique. Malgré le fait que l’avenir restait globalement incertain, car en perpétuel mouvement, il avait ce pressentiment bien étrange que cette dernière l’érigerait quoi qu’il arrive en héros galactique pour les générations futures. Qu’importe donc si son chemin le mènerait vers le Côté obscur ou vers le Côté lumineux, il savait que la Force resterait à ses côtés pour toujours et à jamais.